Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/490

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l’auteur des Gestes qui paroît aussi avoir été Franc de nation, et qui a écrit sous les derniers rois de la premiere race, dit : qu’après la prise de Troye, une partie de ses habitans vint s’établir sous la conduite d’Enée en Italie, mais que douze mille Troyens qui avoient à leur tête Priam et Anténor, se sauverent sur des vaisseaux, qui les porterent jusqu’aux Palus Méotides, où ils firent un établissement, qui par succession de tems, devint très-considerable. Notre auteur parle ensuite des services qu’ils rendirent à l’empereur Valentinien, qui leur donna le nom de Francs ; et puis il ajoute, que les Francs s’étant brouillés avec cet empereur qui envoya contr’eux une armée formidable, ils prirent le parti d’abandonner leur patrie, pour venir s’établir sur le Bas-Rhin, où ils occuperent le canton de la Germanie, que nous apellons dans cet ouvrage, l’ancienne France.

Je sçais bien que cette fable ne mérite aucune croyance. Aussi ne la rapportai-je point comme la véritable histoire de l’origine des Francs, mais uniquement comme une preuve que les Francs étoient bien-aises que les Romains des Gaules les regardassent plutôt comme des parens ignorés long-tems, que comme des étrangers. Quoique les gens d’esprit puissent penser de ces fables, qui donnent à deux peuples une origine commune, elles ne laissent pas d’avoir leurs effets. Croit-on que l’opinion qui fait des Irlandois une peuplade sortie d’Espagne, n’ait pas un peu contribué au grand attachement qu’ils ont eu dans le seiziéme et dans le dix-septiéme siécle pour les Espagnols ? D’ailleurs les Francs en affectant de publier dans les Gaules durant le sixiéme siécle et les siécles suivans, qu’ils avoient la même origine que les anciens habitans du pays, ne disoient rien qui fût plus contre la vraisemblance que ce qu’y avoient débité autrefois les Romains, et que ce qu’y avoient débité depuis les Visigots. Ces derniers avoient publié dans leurs quartiers, qu’ils descendoient de Mars aussi-bien que Romulus, et qu’ainsi les Visigots et les Romains devoient vivre en freres, puisque les uns et les autres ils étoient sortis d’une tige commune. Theodoric II roi de cet-