Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/495

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peu de crédit dans les affaires politiques sous les rois Mérovingiens, et que ce n’a été que sous le regne des rois Carlovingiens, que nos prélats ont commencé d’avoir une grande part aux affaires temporelles. Ces auteurs ont voulu errer conséquemment.

En effet, supposé que nos prélats eussent assez de faveur pour obtenir que le prince qui opprimoit leur nation, passât par-dessus les raisons politiques qu’il auroit euës en ce cas-là, de ne point permettre leur élection, ces mêmes prélats devoient avoir en même-tems assez de considération pour rendre meilleure la condition de leurs freres, de leurs neveux, et même de leurs enfans. Il y avoit alors plusieurs évêques, qui avant que d’être promus à l’épiscopat, avoient vécu durant plusieurs années dans l’état de mariage. Ainsi ces auteurs ne pouvant pas nier que les évêques des Gaules n’ayent été Romains pour la plupart, jusqu’au huitiéme siecle, ils ont pris le parti de dire que ce n’avoit été que sous la seconde race, que les évêques des Gaules avoient eu un grand crédit dans le royaume, et que l’épiscopat devoit la splendeur temporelle où il étoit dans le neuviéme siecle, à la dévotion des rois Carlovingiens, qui les premiers avoient appellé nos prélats à la gestion des affaires du monde. Rien n’est plus faux que ce systême historique.

Jamais les évêques n’ont été plus puissans et plus accrédités dans les Gaules qu’il l’ont été sous les rois Mérovingiens. On a vû les services importans que les évêques contemporains de Clovis rendirent à ce prince, et quelle reconnoissance il leur en témoigna. D’ailleurs, comment auroit-il été possible que les évêques n’eussent point eu de part au gouvernement, quand ils avoient autant d’autorité dans leurs diocèses qu’on voit par les canons du concile d’Orleans et de plusieurs autres qu’ils en avoient alors, et quand les rois avoient très-peu de places fortes, et encore moins de troupes reglées. Nos évêques avoient une jurisdiction absoluë sur le clergé séculier et régulier de leurs diocèses, ils y étoient les dispensateurs des biens des églises déja richement dotées. Ils y étoient les maîtres de livrer ou de proteger les criminels et les esclaves qui s’étoient réfugiés dans les aziles des temples du seigneur, ils étoient les protecteurs nés des veuves et des orphelins, ainsi que des serfs affranchis en face d’église, dont ils héritoient, même au préjudice du fisc : celui qu’ils avoient excommunié[1], ne pouvoit plus exercer aucun emploi de ceux que le prince conféroit, et il étoit si bien regardé comme

  1. Lex Ripuar. Tit. 58.