Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/539

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

teur de la cité d’Auvergne ou d’une autre, à des hommes qu’il a pû voir, et dont quelques-uns devoient être nés comme il l’étoit lui-même, depuis la mort de Clovis.

Il paroît que quelques-uns de ces Senats ont subsisté non-seulement sous les deux premieres races, mais encore sous la troisiéme, et que c’est à leur durée que plusieurs villes ont dû l’avantage de conserver dans tous les tems le droit de commune, et de se maintenir dans sa jouissance, quoiqu’elles fussent enclavées dans les domaines des grands feudataires de la couronne. C’est parce que ces villes avoient conservé leur Senat, et que leur Senat avoit conservé la portion d’autorité dont il jouissoit dès le tems des empereurs Romains et sous les deux premieres races, qu’on trouve que sous les rois de la troisiéme race, ces mêmes villes étoient déja en possession du droit de commune d’un tems immémorial. En effet, on voit que certainement elles en jouissoient sous le regne de tous ces princes, sans voir néanmoins qu’elles l’eussent jamais obtenu d’aucun roi de la troisiéme race, sans voir sous quel roi elles ont commencé d’en jouir. C’est ce qu’il faut exposer plus au long ; et pour l’expliquer mieux, je ne feindrai point d’anticiper sur l’histoire des siecles postérieurs au sixiéme et au septiéme. On ne sçauroit, et j’ai déja plus d’une fois allegué cette excuse, éclaircir avec le peu de secours qu’il est possible d’avoir aujourd’hui, tout ce qui s’est passé dans ces deux siecles-là, sans s’aider quelquefois de lumieres tirées de ce qui s’est passé dans les siecles posterieurs.

Un des évenemens les plus memorables de l’histoire de notre monarchie, est celui qui arriva sous les derniers rois de la seconde race, et sous Hugues Capet, auteur de la troisiéme. Ce fut alors que les ducs et les comtes, abusans de la foiblesse du gouvernement, convertirent dans plusieurs contrées leurs commissions qui n’étoient qu’à tems, en des dignités heréditaires, et qu’ils se firent seigneurs proprietaires des pays, dont l’administration leur avoit été confiée par le souverain. Non-seulement, ces nouveaux seigneurs s’emparerent des droits du prince, mais ils usurperent encore les droits du peuple qu’ils dépouillerent en beaucoup d’endroits de ses libertés et de ses privileges. Ils oserent même abolir dans leurs districts les anciennes loix, pour y substituer des loix dictées par l’insolence ou par le caprice, et dont plusieurs articles aussi odieux qu’ils sont bizarres, montrent bien qu’elles ne sçauroient avoir été mises en vigueur que par