Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/540

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la force. Les tribunaux anciens eurent le même sort que les anciennes loix. Nos usurpateurs se reserverent à eux-mêmes, ou du moins ils ne voulurent confier qu’à des officiers qu’ils installoient ou qu’ils destituoient à leur bon plaisir, l’administration de la justice. Enfin, ils se mirent sur le pied d’imposer à leur gré les taxes, tant personnelles que réelles. Ce fut alors que les Gaules devinrent véritablement un pays de conquête.

Les successeurs de Hugues Capet persuadés avec raison que le meilleur moyen de venir à bout de rétablir la couronne dans les droits qu’elle avoit perdus, étoit de mettre le peuple en état de recouvrer les siens, accorderent aux villes qui étoient capables de les faire valoir, des chartres de commune qui leur donnoit le droit d’avoir une espece de senat ou une assemblée composée des principaux habitans nommés et choisis par leurs concitoyens, laquelle veillât aux interêts communs, levât les revenus publics, rendît ou fît rendre la justice à ses compatriotes et qui eût encore sous ses ordres une milice reglée, où toutes les personnes libres seroient enrollées. C’étoit proprement rendre aux villes, qui du tems des empereurs romains avoient été capitales de cité, et qui avoient eu le malheur de devenir des villes seigneuriales, le droit d’avoir un senat et des curies. C’étoit l’octroyer à celles d’un ordre inferieur et qui ne l’avoient pas du tems des empereurs, à celles que Gregoire De Tours désigne souvent par le nom de Castrum.

Les seigneurs s’opposerent bien en plusieurs lieux à l’érection des communes ; mais il ne laissa point de s’en établir un assez grand nombre sous le regne de Louis Le Gros et sous celui de Philippe Auguste. En quelques contrées les seigneurs ne voulurent acquiescer à l’établissement des communes qu’après qu’il eût été fait. En d’autres, les seigneurs consentirent à l’érection des communes en conséquence de transactions faites avec leurs sujets, ou pour parler plus correctement, avec les sujets du roi qui demeuroient dans l’étenduë de leurs fiefs, et ces transactions laissoient ordinairement les Communiers justiciables du seigneur territorial en plusieurs cas. Qui ne sçait les suites heureuses de l’établissement des communes ?

Or comme je l’ai déja dit, on trouve dès le douziéme siecle un grand nombre de villes du royaume de France, et capitales de cité sous les empereurs, comme Toulouse, Reims, et Boulogne, ainsi que plusieurs autres, en possession des droits de commune, et sur tout du droit d’avoir une justice municipale,