Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/554

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entend parler, et non point des Francs qui pouvoient s’y être habitués. En premier lieu, toutes les circonstances des évenemens dont il s’agit dans ces occasions-là, montrent que c’est des Romains, que c’est de ceux des habitans d’une cité, lesquels on désignoit déja par un surnom tiré du nom de leur patrie, plusieurs siecles avant qu’il y eût des Barbares établis dans les Gaules, que notre historien entend faire mention. En second lieu, Gregoire de Tours regardoit si bien les surnoms tirés du nom d’une cité, comme affectés de son tems aux seuls Romains, qu’il n’a jamais désigné, par ces surnoms employés absolument, les Barbares établis dans les cités des Gaules. Quoique les Teifales, par exemple, fussent établis dans la cité de Poitiers dès le tems d’Honorius, cependant, comme on l’a vû dans le septiéme chapitre de ce livre, notre historien, en parlant d’évenemens arrivés plus de cent cinquante ans après la mort de cet empereur, les nomme encore Teifales et non Poitevins. Ce n’a été que sous les derniers rois de la seconde race, que les Barbares établis dans les Gaules, ont cessé d’être désignés par le nom propre de leur nation, et que confondus avec l’ancien habitant, ils ont commencé à porter, comme lui, un surnom tiré du nom du pays où ils demeuroient. Rapportons quelques endroits de notre historien qui prouvent encore ce qui vient d’être avancé.

Lorsque Gregoire de Tours est obligé à désigner la peuplade de Barbares établie dans une cité particuliere en se servant du surnom tiré du nom propre de cette cité, il se donne bien de garde de donner à cette peuplade un pareil surnom employé absolument. Il joint à ce surnom le nom propre de la nation dont étoit la peuplade particuliere de laquelle il entend parler.

Quand le roi Chilpéric petit-fils de Clovis fit la guerre aux Bretons Insulaires établis dans les Gaules, il y avoit déja près de deux siecles que la colonie des Saxons qui étoit établie dans le diocèse de Bayeux, y habitoit. Cependant lorsque Gregoire de Tours, rapporte que nos Saxons eurent part à cette guerre, il joint au nom de leur pays le nom de leur nation. Il ne les appelle point les Bessins absolument, mais les Saxons Bessins. Il a soin de les désigner encore de la même maniere dans d’autres endroits de ses ouvrages.