Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/557

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LIVRE 6 CHAPITRE 13

CHAPITRE XIII.

Que les Francs n’en userent pas avec l’ancien Habitant des Gaules, ainsi que la plûpart des autres nations barbares en avoient usé avec l’ancien Habitant des Provinces où elles s’étoient établies, & qu’ils ne lui prirent point une portion de ses Terres. Des Terres Saliques.


L’opinion ordinaire est que les Francs en userent quand ils s’établirent dans les Gaules, ainsi que les Bourguignons et les Visigots en avoient usé quand ils s’y étoient établis, s’autorisant, selon les apparences, sur ce qui s’étoit passé sous le regne d’Auguste, quand ce prince ôta une partie de leurs terres aux citoyens de plusieurs cités pour les distribuer à ses soldats. On se figure donc que ces Francs ôterent à l’ancien habitant des provinces qu’ils soumirent, une portion de ses terres et qu’ils l’approprierent à leur nation, de maniere que cette portion de terre en prit le nom de terre Salique. Je tombe d’accord que sous les rois de la premiere et de la seconde race, et même sous les premiers rois de la troisiéme, c’est-à-dire, tant que la distinction des nations qui composoient le peuple de la monarchie, n’a point été pleinement anéantie ; il y a eu dans le royaume des especes de fiefs qui s’appelloient terres Saliques, et qui étoient affectés spécialement à la nation des Francs, mais je nie que ces terres fussent des terres dont nos rois avoient dépouillé par force les particuliers des provinces qui s’étoient soumises à la domination de ces princes. Je regarde l’opinion ordinaire comme une des erreurs nées de la supposition que nos rois avoient conquis à force ouverte les Gaules sur les Romains, et qu’ils en avoient réduit les habitans dans un état approchant de la servitude. Tâchons donc à déméler ce qu’il y a de vrai d’avec ce qu’il y a de faux dans l’idée qu’on a communément des terres Saliques.

On ne sçauroit douter que presque tous les Francs ne se soient transplantés dans les Gaules sous le regne de Clovis, et sous celui de ses quatre premiers successeurs. L’amour du bien être, naturel à tous les hommes, vouloit qu’ils en usassent ainsi. Dès que