Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/560

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et les deux provinces Belgiques, pays où il devoit y avoir des benefices militaires en plus grand nombre que dans aucun autre canton de l’empire Romain.

Dès le premier livre de cet ouvrage le lecteur a vû que les benefices militaires des Romains, dont Alexandre Severe avoit été l’un des premiers fondateurs, étoient semblables aux Timars que le Grand-Seigneur donne encore aujourd’hui à une partie de ses soldats pour leur tenir lieu de paye. Ces benefices consistoient donc dans une certaine quantité d’arpens de terre, dont le prince accordoit la jouissance à un soldat, à condition de porter les armes pour son service toutes les fois qu’il en seroit besoin, et ils passoient aux enfans du gratifié, pourvû qu’ils fissent profession des armes. Or comme les deux provinces Germaniques et les deux provinces Belgiques étoient les plus exposées de l’empire à cause du voisinage des Germains, les Romains y avoient tenu dans tous les tems plus de troupes à proportion que par-tout ailleurs. Il est donc très-probable qu’il y avoit aussi plus de benefices militaires que par-tout ailleurs, proportion gardée. Ainsi Clovis aura fait d’un grand nombre de ces benefices militaires des terres Saliques, parce que lorsqu’ils seront venus à vacquer il les aura conferés à des Francs sous les mêmes conditions qu’ils étoient auparavant conferés à des Romains. Il aura ainsi recompensé plusieurs de ses anciens sujets, sans dépouiller aucun des nouveaux.

On voit donc en comparant la disposition faite par Alexandre Severe concernant les benefices militaires et celle que la loi des Francs fait concernant les terres Saliques, que ces deux possessions étoient des biens de même nature, assujettis aux mêmes charges, et dont conséquemment les femmes étoient également excluses. Clovis aura encore converti en terres Saliques d’autres fonds qui n’étoient pas des benefices militaires, mais qui se seront trouvés être à sa disposition, parce qu’ils avoient été du domaine des empereurs, ou parce qu’ils seront devenus des biens devolus au prince, à titre de desherence, de confiscation ou autre. Les devastations et les guerres qui se firent dans les Gaules durant le cinquiéme siecle et le sixiéme, doivent y avoir fait vacquer un nombre infini d’arpens de terre, au profit du souverain.

On ne sçauroit même faire la question. Où les Francs prirent-ils ce qui leur étoit nécessaire pour mettre en valeur les terres Saliques ? Ni en inferer que pour faire valoir les benefices mili-