Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/570

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et qui d’ailleurs étoit dans l’ordre commun. En effet, lorsqu’une province change de maître, le nouveau possesseur y entre aussitôt en jouissance de tous les revenus qui appartenoient precédemment au souverain dépossedé. C’est l’usage ordinaire, et même les historiens qui se plaisent le plus à charger leurs narrations de détails et de circonstances, ne daignent point faire mention de cet incident. Ils supposent avec fondement qu’avoir dit, par exemple, que Louis XIV conquit en mil six cens quatre-vingt-quatre le duché de Luxembourg sur le roi d’Espagne Charles II c’est avoir dit suffisamment, que le roi très-chrétien s’y mit en possession de tous les domaines, droits, et revenus dont le roi catholique y jouissoit avant la conquête.

On devroit donc supposer, quand bien même on n’en auroit pas de preuve, que lorsque Clovis et ses successeurs se rendoient maîtres d’une province des Gaules, ils s’y mettoient aussi-tôt en possession de tous les biens et droits appartenans au souverain. Nous avons vû qu’il n’y eut point alors dans les Gaules une subversion d’Etat, et encore moins un bouleversement de la societé. Comme les sujets y resterent en possession de leurs droits et revenus, le sceptre y demeura aussi en possession des siens, quoiqu’il eut changé de main. La nouveauté qu’il y eut, c’est que les droits et les revenus établis, devinrent les droits et les revenus des rois des Francs, au lieu qu’auparavant ils étoient ceux des empereurs Romains.

Parlons donc du produit de la premiere branche de ces revenus. Tous les fonds de terre qui appartenoient aux empereurs, devinrent le corps du domaine de nos rois. On lit dans Gregoire de Tours, que le roi Charibert petit-fils de Clovis, prétant l’oreille à des courtisans avides qui lui insinuoient que la métairie de Nazelles dont l’église de saint Martin de Tours jouissoit depuis long-tems, étoit du domaine, il l’y réunit, et qu’il y établit un haras. Ce prince s’obstina même à garder Nazelles comme un bien de la couronne, nonobstant les évenemens miraculeux qui chaque jour y arrivoient et qui lui devoient faire reconnoître l’injustice de la réunion qu’il avoit faite. Ce ne fut qu’après la mort de Charibert que cette métairie fut restituée à