Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/585

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en géneral, c’étoit en vertu d’un privilege particulier, accordé spécialement à quelques personnes. Entrons en matiere.

Il faudroit, pour montrer que nos Francs eussent été exempts du subside ordinaire, le faire voir par des preuves bien positives. Cette prétendue exemption nationale ne s’accorde gueres avec ce que nous sçavons positivement sur les usages et sur les coutumes du sixiéme et du septiéme siécle, et avec ce que nous venons de voir.

En premier lieu, l’usage des Romains n’étoit pas, lorsque le prince avoit remis à quelqu’un la cotte-part qu’il devoit payer, de rejetter la cotte-part de l’exempté sur les autres contribuables, ainsi qu’il se pratique aujourd’hui dans plusieurs Etats. L’usage des Romains étoit, que le prince passât en recette le produit de cette cotte-part. Supposé, par exemple, que la communauté de laquelle Lucius étoit membre, dût payer cent sols d’or, dont Lucius fût tenu de contribuer la dixiéme partie, et que l’empereur remît à Lucius sa cotte-part, alors l’empereur prenoit en payement les dix sols d’or dont il avoit déchargé Lucius. La communauté dont Lucius étoit membre, n’étoit plus tenue que de quatre-vingt-dix sols d’or. On voit dans les lettres de Cassiodore plusieurs preuves de cet usage, que les Ostrogots avoient conservé en Italie. Theodoric mande à la Curie de Trente, en lui écrivant sur l’exemption qu’il avoit accordée à un prêtre nommé Butilianus. » Nous avons exempté par ces Présentes Butilianus de payer au Fisc aucune redevance ; mais comme notre intention est, que la libéralité qu’il nous plaît d’exercer, soit faite à nos dépens & non pas aux dépens de nos bons Sujets, nous déduirons sur ce que vous nous devez pour les bois & taillis dont jouit votre Cité, autant de sols d’or qu’il se trouvera que nous en aurons remis à Butilianus. »

La nécessité où se mettoit le prince de donner une indemnité toutes les fois qu’il accordoit une exemption, devoit être cause qu’il en accordât très-peu. Aussi voyons-nous dans les lettres de Cassiodore, que de son tems le senat de Rome étoit ainsi que les autres ordres de citoyens, soumis aux impositions qui se levoient sous le nom de subside ordinaire. Theodoric dit dans une