Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/60

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de ce qui se passoit, et craignant d’avoir affaire à Clovis, conseillerent à Gondebaud d’approfondir avant toutes choses, s’il n’y avoit rien sur quoi le roi des Francs pût avec quelqu’apparence de raison, fonder les prétentions qu’il mettoit en avant ? N’auriez-vous point, ajoûterent-ils, accepté quelque présent qui vous auroit été offert de la part de Clovis, et qui seroit de telle nature que vous n’eussiez pas pû le recevoir sans prendre une espece d’engagement avec lui concernant le mariage de votre niece ? Interrogez là-dessus vos ministres et les officiers qui servent auprès de votre personne. Si Clovis est assez violent pour vous déclarer la guerre, vous en sortirez victorieux ; mais avant que de finir, elle coûtera bien du sang à votre peuple. Plus il vous est dévoüé, plus vous devez prendre soin de le conserver. Sur ces représentations, Gondebaud fit faire les recherches convenables, et il se trouva dans son trésor un anneau sur lequel la tête ou le nom de Clovis étoit gravé. Gondebaud en fut surpris, et manda sa niece pour éclaircir avec elle une telle avanture. Il me souvient, répondit cette princesse aux interrogations de son oncle, qu’il y a quelques années que vous donnâtes audiance à des ambassadeurs de Clovis, qui vous firent divers présens de la part de leur maître. Je m’y trouvai, et l’un de ces ministres me mit au doigt l’anneau dont vous êtes en peine. Je le reçus en votre presence, et je le remis incontinent entre les mains de ceux qui gardent vos trésors. Tout ce que je fis alors, fut fait sans dessein. Gondebaud comprit qu’il y en avoit assez pour donner à Clovis, s’il lui refusoit Clotilde en mariage, un prétexte plausible de faire la guerre aux Bourguignons. Il consentit donc à cette alliance pour ne pas donner lieu à une rupture, et il remit sa niece entre les mains d’Aurelien. Cet ambassadeur partit aussi-tôt emmenant la nouvelle reine avec lui, et il la conduisit jusqu’à Soissons où Clovis la reçut, et l’épousa solemnellement.

Il seroit bien à souhaiter que nous eussions les mémoires mêmes sur lesquels l’Abbréviateur et l’auteur qui a composé les Gestes des Francs, ont écrit leur récit du mariage de sainte Clotilde ; ces mémoires pouvoient bien avoir été compilés sur ce que disoit elle-même la reine touchant les particularités de son mariage, dans le tems qu’elle passoit sa vie aux pieds du tombeau de saint Martin où elle s’étoit retirée après la mort