Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/61

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de Clovis qu’elle survécut d’un grand nombre d’années. Il seroit à désirer du moins, supposé que nos deux auteurs n’ayent fait que rédiger par écrit la tradition orale qui subsistoit encore de leur tems, qu’elle eût été recueillie par des historiens plus judicieux. Mais quoique nos deux auteurs ayent obmis plusieurs circonstances importantes, ce qui est très-sensible en lisant leurs narrations, et quoique chacun d’eux ait alteré dans son récit les faits de maniere qu’il semble que ces récits se contredisent, on ne laisse pas néanmoins d’y voir distinctement deux choses qui prouvent que les Romains eurent beaucoup de part au mariage dont il est question.

La premiere est qu’il fallut tromper Gondebaud, pour l’engager à conclure un mariage dont il lui étoit facile de prévoir les suites, même avant qu’Aridius les lui eût prédites. Croira-t’on que ce prince se fût déterminé sur l’incident de l’anneau trouvé dans son trésor, et qu’il eût agi alors contre ses interêts aussi sensiblement qu’il le fit, s’il n’y avoit point eu à sa cour des ministres gagnés par ceux qui vouloient, quoiqu’il en pût coûter aux Bourguignons, faire épouser Clotilde à Clovis ? Or qui étoient alors les principaux ministres des rois barbares établis dans les Gaules ? Des Romains un peu plus versés en matiere d’affaires que ne l’étoient encore les Visigots, les Bourguignons et les Francs mêmes. Nous avons vû que Leon étoit un des principaux ministres d’Euric. Aurelien étoit l’homme de confiance de Clovis. Aridius dont nous aurons encore occasion de parler quand nous ferons l’histoire de la guerre des Francs contre les Bourguignons, étoit le ministre confident de Gondebaud. Laconius un autre Romain faisoit sous ce prince les fonctions de chancelier.

Voici une seconde preuve de la part que les Romains des Gaules eurent au mariage de sainte Clotilde. Quoique, comme on vient de le voir, l’abbréviateur et l’auteur des Gestes ne soient pas bien d’accord sur toutes les circonstances des allées et venuës d’Aurelien, soit parce que l’un de ces deux écrivains aura jugé à propos d’obmettre quelques incidens qui ne lui paroissoient point assez importans, ou assez bien attestés pour les rapporter, au lieu que l’autre les aura trouvés dignes d’être inserés dans son récit, soit parce que la tradition ne s’accordoit point sur ces détails, il résulte cependant de leurs narrations : qu’Aurelien fit deux voyages en Bourgogne : que lorsqu’il fit le premier où il alla déguisé en mendiant, il eut une audiance se-