Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/609

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pour ce fait-là, ni condamné à aucune sorte d’amende, parce que la Loi & l’ordre du Souverain seront réputés avoir fait le meurtre, d’autant plus que celui qui l’aura perpetré ne pouvoit pas se dispenser de leur obéir. Ainsi l’homicide & toute sa postérité, seront sous la protection spéciale du Roi & sous celle de ses successeurs qui le garantiront envers tous & contre tous. Que s’il arrive qu’en haine du susdit meurtre, l’homicide, ou quelqu’un des siens, souffre quelque mal, ou soit tué ; qu’alors le coupable soit condamné à une peine pécuniaire deux fois aussi forte que celle qu’il payeroit, s’il avoit offensé ou tué une autre personne de même condition que le susdit homicide. » Non-seulement ces loix assurent l’impunité à celui qui avoit tué un autre homme, en vertu d’une commission expresse du prince ou de son représentant immédiat ; mais il paroît encore que ceux à qui une pareille commission étoit adressée, ne pouvoient point refuser de s’en charger sans se rendre coupables du crime de désobéïssance. On a vû dès le premier livre de cet ouvrage, que les empereurs condamnoient souvent à mort sans prendre l’avis d’aucun juge et qu’ils faisoient exécuter leurs arrêts par les prétoriens. Ainsi c’étoit des Romains mêmes que nos rois avoient pris la jurisprudence dont il s’agit ici.

Si nos rois des deux premieres races, ont traduit quelquefois des criminels devant une nombreuse assemblée, c’est qu’alors ces princes jugeoient à propos, par des considérations particulieres, d’en user ainsi, et non point parce qu’ils y fussent obligés. Il faudroit afin que les exemples de coupables jugés devant une assemblée, prouvassent quelque chose, qu’il n’y eût point d’exemple de coupable jugé par le roi seul. Or, comme nous l’avons déja dit, il y a dans notre histoire plusieurs exemples de pareils jugemens, et les historiens qui les rapportent, les narrent simplement et sans donner à entendre en aucune maniere que ces sortes de jugemens fussent contraires à aucune loi. Aucun d’eux ne dit que l’accusé devoit être jugé par ses pairs.

Que nos rois Mérovingiens, jugeassent en personne les procès civils, on en a vû déja tant d’exemples dans cet ouvrage, qu’il seroit superflu de rassembler ici des faits qui le prouvassent. Peut-être, et nous l’avons observé plus haut, est-ce au pouvoir absolu de ces princes et à la maniere dont ils rendoient la justice, qu’il faut attribuer la conservation d’un royaume dont la premiere conformation étoit aussi vicieuse que l’étoit celle de la