Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/62

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crete de Clotilde, dans laquelle cette princesse lui objecta une difficulté importante sur son mariage, en alleguant quand il lui fut proposé : qu’une chrétienne ne devoit point épouser un payen : que lorsqu’Aurelien revint l’année suivante en Bourgogne avec le caractere d’ambassadeur, cette difficulté avoit été levée, puisqu’il n’en est plus parlé dans le récit de cette seconde négociation. Par qui et à quelle condition fut donc levée la difficulté que Clotilde avoit faite d’abord, d’épouser un payen ? C’est ce que l’abbréviateur et l’auteur des Gestes auroient bien dû nous apprendre expressément, eux qui ont fait entrer dans leur narration des circonstances bien moins importantes ; mais ils n’en ont rien dit. Voici donc ma conjecture sur l’expédient dont on se sera servi pour lever l’obstacle. Les Romains auront profité de l’année qui s’écoula entre les deux voyages d’Aurelien en Bourgogne, pour engager Clovis en lui représentant les suites heureuses qu’auroit l’alliance proposée, à promettre deux choses. L’une, que tous les enfans qui naîtroient de son mariage avec Clotilde seroient élevés dans la religion chrétienne ; l’autre que lui-même il se feroit instruire incessamment. D’un autre côté ils auront engagé Clotilde et ceux qui la dirigoient, à se contenter de ces deux conditions. Montrons dès-à-présent qu’il est très-probable que Clovis ait promis avant son mariage la premiere de ces deux conditions. La suite de l’histoire montrera qu’il n’est gueres moins apparent, que dès-lors il eût aussi promis la seconde.

L’histoire des premiers siecles de l’Eglise est remplie d’exemples de mariages, soit entre des payens et des chrétiennes, soit entre des chrétiens et des payennes. On peut juger par le canon du concile d’Arles qui vient d’être rapporté, que l’Eglise les regardoit comme légitimement contractés. Que statuoient les loix ou les coutumes des Romains et des barbares concernant la religion des enfans qui naissoient de ces mariages ? Je n’en sçais rien. Dans cette ignorance je puis supposer qu’elles étoient à peu près pareilles à celles qui sont aujourd’hui en vigueur dans plusieurs Etats de la Chrétienté, où il est commun que des personnes de religion differente s’allient ensemble par mariage. Les loix civiles y ordonnent en général que des enfans à naître de ces mariages bigarrés  ; c’est ainsi qu’on les nomme vulgairement, les garçons seront élevés dans la religion du pere, et les filles dans celle de la mere ; mais elles tolerent les conventions particulieres qui peuvent être faites