Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/611

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pas été le maître de mettre des impositions sans avoir obtenu le consentement du peuple, on peut présumer qu’Injuriosus n’auroit pas manqué d’alleguer à Clotaire que son édit, qui par lui-même étoit odieux, avoit encore été fait contre les regles de l’Etat. Et Gregoire de Tours auroit aussi peu manqué à l’écrire. L’un et l’autre ils ont eu un égal interêt de faire ce reproche, s’il eût été fondé, à l’édit de Clotaire. Nous avons déja rapporté ce que dit notre historien[1] concernant la confection d’un nouveau cadastre ordonné par le roi Chilpéric petit-fils de Clovis. On voit par ce que dit Frédegonde, femme de ce prince, quand elle lui proposa d’abandonner l’entreprise, que Chilpéric l’avoit faite de sa propre autorité, et qu’il en avoit pris l’évenement sur lui. En effet, comme nous l’avons déja remarqué, il n’y avoit alors que deux sortes d’assemblées politiques dans la monarchie, le Champ de mars, et les assemblées composées des évêques et des laïques revêtus des grandes dignités de l’Etat[2]. Le Champ de mars étoit devenu une espece de conseil de guerre, et les autres assemblées qui ne se formoient point que les rois ne les eussent convoquées expressément, n’étoient consultées que sur les ordonnances et reglemens qu’il convenoit de publier pour faire fleurir la justice, et pour entretenir une police convenable dans le royaume. Si ces assemblées étoient utiles aux finances du prince, c’est parce qu’il étoit d’usage que ceux qui s’y rendoient, fissent chacun en son particulier, des présens au souverain. On ne voit pas qu’il se soit jamais adressé à elles pour en obtenir la permission de mettre de nouveaux impôts, ou d’augmenter les anciens. Il y a dans les capitulaires plusieurs loix concernant la levée des impositions en usage. Je ne me souviens pas d’y en avoir vû concernant l’établissement d’une imposition nouvelle.

Au reste, il ne paroît pas que les rois Mérovingiéns, abusassent de leur autorité à cet égard. L’histoire de Gregoire de Tours qui raconte tout ce qui s’est passé dans les Gaules durant le siécle qui suivit le baptême de Clovis, ne se plaint que de trois ou quatre tentatives, faites par les rois francs pour acroître par l’augmentation des taxes, leurs revenus. Cet auteur ne nous entretient point des maux causés par l’énormité des impositions, il ne nous parle point de l’abattement et du désespoir d’un peuple tourmenté sans cesse par des exacteurs insatiables, comme nous en parlent Salvien et plusieurs autres écrivains qui ont vêcu sous le regne des derniers empereurs d’Occident.

  1. Greg. Tur. Hist. Lib. 5. cap. 29 & c. 35.
  2. Voyez ci-dessus ch. 14.