Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/621

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la troisiéme, que les loix nationales auront cessé d’être en vigueur, et que le Franc, le Ripuaire, les autres Barbares, et le Romain même, auront été réduits à vivre également suivant les usages et les coutumes qu’il aura plû au seigneur, devenu maître du canton où ils étoient domiciliés, de substituer dans son territoire à ces anciennes loix. Dès le neuviéme siécle, il y avoit déja des contrées où le non-usage des loix Romaines les avoit presque fait oublier. On lit dans le Livre des Miracles de saint Benoit[1], écrit par Adrevalde religieux de Fleury, et qui vivoit en ce tems-là, que cette abbaye ayant eu un procès concernant quelques personnes serves, le comte du dictrict et ses assesseurs ne pûrent point le juger, parce qu’ils ne sçavoient pas le droit Romain, suivant lequel il falloit prononcer, d’autant que les parties étoient des ecclésiastiques. On prit l’expedient de renvoyer la contestation devant un autre tribunal.

Une révolution de la nature de celle dont il est ici question, doit avoir été l’ouvrage d’un siécle. Elle ne sçauroit même avoir été uniforme. Dans une cité ; les Francs auront obligé celui qui s’en étoit rendu le maître, ou qu’ils avoient reconnu pour seigneur, afin d’éviter d’en avoir un autre, à leur rendre encore la justice durant quelque tems suivant les loix Saliques. Dans d’autres, les plus considerables de cette nation, se seront obstinés, quoique le seigneur ne voulût pas que la Loi Salique y eût aucune autorité, à s’y conformer encore en reglant le partage de leurs enfans, en contractant leurs mariages, et en ordonnant de toutes leurs affaires domestiques. Ce n’aura été qu’après l’expérience des inconvéniens, qui naissent des dispositions faites suivant une loi, dont l’autorité n’est plus reconnue, qu’ils auront renoncé à l’observer. Enfin quelques Francs, du nombre des usurpateurs dont je parle, auront continué à vivre suivant la Loi Salique dans les lieux de leur obéïssance, et cette loi n’y aura été abrogée que dans la suite des tems.

En effet, Othon De Freisinguen mort l’année onze cens cinquante-huit en France (sa patrie d’adoption), et qui par conséquent écrivoit plus de cent cinquante ans après que la troisiéme race fut montée sur le thrône, dit que de son tems, la Loi Salique étoit encore la loi suivant laquelle vivoient les plus

  1. Lib. 1. cap. 25.