Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/75

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ils n’appuyent leur sentiment d’aucune raison, et j’en ai d’assez bonnes pour croire que c’est avant la conversion de Clovis qu’il faut placer la guerre qu’il fit contre les Armoriques, et dont il est très-probable que notre siége de Nantes a été un évenement. C’est que, comme nous le verrons dans la suite, les Armoriques dans le pays de qui étoit la ville de Nantes, se soumirent à Clovis dès l’année quatre cens quatre-vingt-dix-sept. C’est qu’une des circonstances du siége de Nantes, dont parle Gregoire de Tours, confirme encore mon opinion. Gregoire de Tours dit positivement que Chillon qui commandoit l’armée des Francs, les seuls barbares qui fussent alors à portée de tenir le siége devant Nantes durant deux mois, étoit encore payen. Or nous avons déja vû en parlant du petit nombre de sujets qu’avoit Clovis à son avenement à la couronne, que ceux de ses Francs qui ne voulurent point se faire baptiser avec lui, le quitterent et qu’ils se donnerent à Ragnacaire. Il n’y a donc point d’apparence que Clovis fût déja chrétien lorsqu’il envoya Chillon qui étoit encore payen, faire le siége de Nantes, et par consequent il paroît que ce siége a été fait avant l’année quatre cens seize.

Il ne me reste plus qu’à répondre à une objection qui se presente si naturellement, qu’il est impossible qu’elle ne vienne point dans l’esprit à quelqu’un de mes lecteurs : comment, dira-t-on, l’armée de Clovis a-t-elle pû s’avancer jusqu’à Nantes, et faire le siége de cette ville dans un tems, où suivant les apparences, ce prince ne tenoit encore aucune place sur la rive gauche de la Seine depuis Paris jusqu’à la mer ? Aussi je ne crois point que l’armée de Chillon fût venue par terre devant Nantes. Je crois qu’elle s’y étoit rendue par mer et comme les armées d’Audouagrius roi des Saxons étoient venues plusieurs fois devant Angers. On a lû dès le commencement de cet ouvrage, que les Francs étoient bons hommes de mer, et on a vû dans le troisiéme livre que sous le regne de Childéric, ils avoient pris et pillé les Isles des Saxons situées au nord de l’embouchure de l’Elbe. D’ailleurs, ce que dit Gregoire de Tours sur la promptitude avec laquelle les assiegeans de Nantes disparurent, et qui fut si grande, qu’on ne pût prendre aucun traîneur, induit à croire que ce fut en se rembarquant sur leurs bâtimens pendant le reflux, qu’ils se retirerent. On a vû encore que ces bâtimens étoient très-legers, et qu’ils abordoient par tout. L’entreprise étoit toujours bien hardie :