Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/89

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premiere race de nos rois, qui dise le jour où Clovis fut baptisé. Ainsi Hincmar et Flodoard peuvent bien avoir été reduits, quand ils auront voulu donner la date du baptême de Clovis, à recourir au récit de l’Abbréviateur. Voici ce qui se lit dans l’épitome de Frédegaire : Clovis reçut le baptême, et six mille francs le reçurent avec lui à la fête de la pâque du seigneur. Suivant les apparences, l’Abbréviateur a entendu ici par la Fête de la pâque du seigneur, non point les grandes pâques, comme on le disoit autrefois, mais la fête de la Nativité de Notre-Seigneur, qu’on appelloit pour lors apparemment dans les Gaules Pâques de Noël  ; ainsi qu’elle s’appelle encore aujourd’hui à Rome. Or, comme on dit encore aujourd’hui en Italie, Pâques de la Resurrection pour dire les grandes Pâques, et Pâques de la nativité de Notre-Seigneur, pour dire Noël ; on pouvoit bien aussi dire la même chose dans les Gaules du tems de Frédegaire. Je puis alleguer un fait notoire pour appuyer cette conjecture ; le voici. On trouve, dit le dictionnaire de l’Academie[1], dans tous les livres françois imprimés au dessus de soixante ans, faire ses Pâques, pour dire simplement faire ses dévotions et communier, soit à Noël, ou à la Pentecôte, ou à quelque autre jour que ce soit, indépendamment de la fête de Pâques. L’usage dont parle le dictionnaire de l’Academie me paroît le vestige d’un autre usage plus ancien, qui étoit celui de donner le nom de Pâques, en y ajoutant une épithéte distinctive aux principales fêtes de l’année. L’usage dont nous avons parlé en dernier lieu ayant cessé en France sous la premiere race, Hincmar et Flodoard qui n’auront pas eu ce qu’ils en avoient entendu dire assez present à l’esprit, se seront trompés lorsqu’ils consultérent l’Abbréviateur, en croyant qu’il fallût entendre de Pâques de la Resurrection, ce qu’il avoit dit de Pâques de la Nativité de Jesus-Christ. Celui des cahiers de l’ancienne vie de saint Remy, sur lequel l’histoire du baptême de Clovis étoit écrite, et qui auroit redressé Hincmar, et par conséquent Flodoard, se trouvoit être du nombre des cahiers déja perdus, quand Hincmar écrivit sa vie de saint Remy. Il se peut bien faire encore que par ces paroles in Pascha domini consecratus est, Frédegaire ait voulu dire simplement en prenant à la lettre le mot de Pâques, dont la signification propre est celle de passage  : que c’étoit par le ministére de saint Remy que Clovis avoit été consacré au Sei-

  1. Tom. 1 page 219. Edit. de 1718.