Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/52

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la vûë de procurer de bons sujets à leurs églises. Ces enfans devenus de jeunes gens, ne se tiennent pas toûjours obligez de suivre les vûës pieuses de leurs bienfaicteurs. Si leur génie les pousse à la poësie, ils s’y livrent, et ils prennent un emploi, pour lequel ils n’avoient pas été destinez, mais dont leur éducation les a rendus capables. Comment croire qu’il reste de bonnes graines sur la terre, quand le monde recueille avec soin, celle qui donne la moindre esperance ? Je dirai encore plus. Quand la malignité des conjonctures auroit asservi l’homme de génie à une profession abjecte avant qu’il eut appris à lire, voilà ce qu’on peut supposer de plus odieux contre la fortune, son génie ne laisseroit pas de se manifester. Il apprendra à lire à vingt ans, pour joüir indépendemment de personne du plaisir sensible que font les vers à tout homme qui est né poëte… bien-tôt il fera lui-même des vers. N’avons-nous pas vû deux poëtes se former dans les boutiques de deux métiers, qui ne sont pas certainement des plus nobles : le fameux menuisier de Nevers, et le cordonnier, reparateur des brodequins d’Apollon ? Aubry maître paveur à Paris, n’a-t-il pas fait représenter