Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/53

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depuis soixante ans des tragédies de sa façon ? Nous avons même pû voir un cocher, qui ne sçavoit pas lire, faire des vers, très-mauvais à la verité, mais qui ne laissent pas de prouver que la moindre étincelle du feu poëtique le plus grossier, ne sçauroit être si bien couverte, qu’elle ne jette quelque lueur. Enfin ce ne sont pas les lettres qu’on enseigne à un homme qui le rendent poëte : c’est le génie poëtique, que la nature lui donna en naissant, qui les lui fait apprendre, en le forçant de chercher les moïens d’acquerir les connoissances propres à perfectionner son talent. L’enfant né avec le génie qui fait les peintres, craïonne avec du charbon, dès l’ âge de dix ans, les saints qu’il voit dans son église : vingt années se passeront-elles avant qu’il trouve une occasion de cultiver son talent ? Ce talent ne frappera-t-il personne, qui le menera dans une ville voisine, où, sous le maître le plus grossier, il se rendra digne de l’attention d’un plus habile, qu’il ira bien-tôt chercher de province en province ? Mais je veux bien que cet enfant reste dans sa bourgade : il y cultivera son génie naturel, jusqu