Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/54

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es à ce que ses tableaux surprennent quelque passant. Telle fut la destinée du Correge, qui se trouva être un grand peintre avant que le monde eut entendu dire qu’il y avoit dans le bourg de Corregio un jeune homme d’une grande esperance, et qui montroit un talent nouveau dans son art. Si la chose arrive rarement, c’est qu’il naît rarement des génies aussi puissans que celui du Correge, et qu’il est encore plus rare que de tels génies ne se trouvent point en leur place dès l’ âge de vingt ans. Les génies qui demeurent ensevelis toute leur vie, je l’ai déja dit, sont des génies foibles ; ce sont de ces hommes qui n’auroient jamais songé à peindre ni à composer, si l’on ne leur avoit pas dit de travailler ; de ces hommes qui ne chercheroient jamais l’art d’eux-mêmes, mais ausquels il faut l’indiquer. Leur perte n’est pas grande ; ils n’étoient pas nez pour être d’illustres artisans. L’histoire des peintres, des poëtes et des autres gens de lettres, est remplie de faits qui convaincront pleinement que rien ne sçauroit empêcher les enfans, nez avec du génie, de franchir la plus grande distance que la naissance puisse mettre entr’eux et les écoles. En