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Page:Dubuisson-Aubenay - Itinéraire de Bretagne en 1636, tome 1.djvu/26

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PRÉFACE

d’orthographe fixe ; nous avons donc pensé que le lecteur aimerait à voir comment un savant du XVIIe siècle, et non des moindres, écrivait le français.

En décrivant les églises bretonnes, il se sert des termes employés dans le pays ; quelques-uns, tels que labe et carolle, reviennent souvent sous sa plume. Le premier signifie un monument funéraire, placé dans l’épaisseur d’une muraille[1], et est emprunté au breton. Il était en usage à Saint-Brieuc, où Dubuisson l’a pris et trouvé tellement à son goût, qu’il n’a plus cessé de s’en servir, tout en nous prévenant qu’il n’était pas compris à Vannes. Il ne nous dit pas si on l’employait à Quimper. Quant à l’autre mot qui a le sens de nef latérale ou bas-côté[2], il nous paraît provenir d’une langue méridionale, bien que nous n’ayons pu en trouver l’origine ni dans l’espagnol ni dans l’italien. Pour les noms d’homme et de lieu, Dubuisson les écrit tels qu’il les entend, souvent de travers, et, la plupart du temps, les dénature par une orthographe étrange. Ceux qu’il tient des paysans portent quelquefois la marque d’une prononciation rustique que l’on retrouve encore de nos jours et qui n’est pas sans quelque intérêt : Rougeu pour Rougé, Feugueréa pour Fégréac, Roquinia pour Roquiniac, etc. Ce n’est pas sans peine que nous sommes parvenus à remettre dans leur véritable forme certains mots mal entendus par lui. Il est superflu d’annoncer que Dubuisson n’a pas fait une œuvre littéraire ; un homme aussi pressé d’entasser les curiosités dans sa mémoire et sur son carnet néglige forcément son style. Sa narration, écrite au courant de la plume, embarrassée de notes et de renvois, n’a pas toujours la limpidité qu’on souhaiterait, et pourtant il est certain que son manuscrit a été revu à tête reposée, dans le cabinet ; mais il ne l’avait pas poussé au point de perfection qu’exige un ouvrage destiné au public. Il n’avait pas la faculté de concentrer son attention sur un sujet borné.

C’est ici le lieu de rechercher l’époque où l’Itinéraire de Bretagne a été rédigé.

Il est certain que, dans sa forme actuelle, il ne date point du voyage de 1636, pendant lequel Dubuisson ne faisait sans doute que noter à la hâte sur un carnet ce qui l’avait intéressé. Les traces de séjours en Flandre, en Italie, en Autriche[3] et peut-être en Espagne[4] n’y manquent pas ; or on sait que ces voyages eurent lieu avant 1636. Nous avons dit aussi que plusieurs manuscrits auxquels il fait de fréquentes allusions : listes d’évêques, traité des États de Bretagne, calendriers ou obituaires de couvents, extraits de cartulaires et d’archives, n’ont

  1. V. p. 66.
  2. V. p. 122. Au chapitre XL, on trouve ; « aile ou carolle ».
  3. V. pp. 11, 45, chap. XLVI, XLIX, etc…
  4. Au moins parait-il avoir su l’espagnol ; car il en cite plusieurs mots, V. pp. 9, 16 et chap. XLVI, à l’occasion du martyre des SS. Donatien et Rogatien.