Aller au contenu

Page:Dubus - Quand les violons sont partis, 1905.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LE SACRILÈGE

Un ivrogne urina, sans le moindre respect,
Très longuement, devant l’église Saint-Sulpice.
Dévotes et dévots fuyaient à son aspect.
Survint le sacristain : « c’est ailleurs que l’on pisse, »
S’écria l’homme noir, blanc d’indignation,
« Vade retro, cochon ! »
« Vade retro, cochon ! » Et, sans émotion,
Silencieusement le poivrot le contemple,
Lui désigne du doigt la façade du temple,
Où ces trois mots étaient peints en noirs : Liberté,
Égalité, Fraternité.

Son geste, son maintien, son air, ses yeux humides
Rappelaient Bonaparte au pied des Pyramides.

Puis, il dit sur un ton rempli de dignité :
— « Liberté ! donc je pisse ici, si bon me semble,
« Égalité ! tu peux bien pisser aussi, toi,
« Si ça te fait plaisir, mon vieux, pissons ensemble ;
« Fraternité ! si t’es un frère, tiens-la moi. »