voir à ce qu’on nous rendit justice autant que des prisonniers ont droit d’en avoir : jugez maintenant quelle devait être notre position. Malgré tant de privations, j’eus le plaisir de voir tous mes compagnons se montrer supérieurs à tout cela, se conformer à toutes les circonstances avec courage en espérant des jours plus heureux.
Les 24, 25 et 26 nous eûmes un temps calme, sauf quelques légères brises qui venaient de temps en temps de l’Est. Nous longions alors les côtes de l’Afrique ; la mer était couverte de sauterelles et l’air en était rempli. La présence de ces insectes dont nous saisîmes un grand nombre à bord nous indiquait que nous n’étions pas bien éloignés de terre. Le soleil était brûlant : aucun air ne pénétrait dans l’entrepont où nous étions ; la chaleur y était étouffante, et devorés de soif, nous n’avions qu’une pinte d’eau chacun pour l’éteindre. Que pouvait faire ce faible remède contre un feu qu’alimentait sans cesse nos vivres salées ? On nous distribua ces jours-ci des chemises de coton et des pantalons de toile que le gouvernement nous donnait. Mais comme nous n’étions pas forcés d’accepter ces habits, nous les rejetâmes en parti lorsque nous nous aperçûmes qu’ils étaient étampés ; c’était un mauvais augure pour nous. Il n’y eut que ceux qui étaient le moins fourni d’entre nous qui en conservèrent.
Nous étions sous les 18°15, latitude Nord. Du 27 au 30 le vent souffla avec violence. Nous vîmes des légions de poissons volants. Durant les jours du 30 et du 31 nous éprouvâmes plusieurs ouragans accompagnés de pluie d’éclairs