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D’UN EXILÉ

vaisseaux : les passagers y prennent même quelque fois part. Le 10, nous eûmes le même vent et le même ciel que les jours précédents. Le temps est fort trompeur entre les Tropiques. Les signes auxquels le mauvais temps s’annonce dans notre pays, sont souvent suivis du beau temps et réciproquement. Un ciel serein amène quelquefois des bourasques violentes. Les marins les préviennent assez facilement, le nuage qui les produit se montre soudainement à l’horizon quelquefois il est très petit. Il fond ensuite avec rapidité sur le vaisseau comme la foudre et briserait les mats et les voiles sans les précautions des marins. C’est le sort qu’ont éprouvé plusieurs vaisseaux dont l’équipage n’avait pas eu le temps de prévenir ces bourasques. Les Français appellent ces sortes de nuages Grains et les anglais White Squall. La chaleur était devenue excessive. Le soleil était perpendiculaire à nos têtes et sur le déclin du jour, son ardeur nous accablait. On se fera facilement une idée de ce que nous souffrions dans l’entrepont pendant la nuit. Nous ne pouvions dormir ; la sueur ruisselait sur nos corps. Plusieurs furent contraint d’aller coucher sur le pont pour y trouver un peu de repos. Nous rencontrâmes aujourd’hui trois vaisseaux qui faisaient voile au Sud. Ils passèrent à une grande distance de nous.

Le 11, le vent était un peu diminué. Il nous était devenu favorable, mais à cause de sa faiblesse nous n’avancions qu’avec lenteur. Nous vîmes des multitudes de poissons de la grosseur de nos mulets en Canada ; ces poissons parais-