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Page:Ducharme - Journal d’un exilé politique aux terres australes.djvu/9

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D’UN EXILÉ

manière horrible. Nous qui n’étions pas attachés, nous ne pouvions nous tenir ni debout, ni assis ; nous nous heurtions sans cesse les uns les autres ; dans notre chambre noire où nous étions ballottés de tribord à bâbord, sans pouvoir nous arrêter. Le mal de mer commença à se faire sentir. Les trois quarts d’entre nous tombèrent malades, et le nombre augmentait à chaque instant, tellement qu’il n’en resta que cinq à six qui ne furent point malades. Rien de plus pénible à voir que notre état dans cette circonstance : des viandes salées et du biscuit formèrent toutes nos douceurs : plusieurs d’entre nous furent jusqu’à quatre à cinq heures sans pouvoir souffrir sur leur estomac la plus minime quantité de cette nourriture, et tous tellement affaiblis, qu’à peine pouvions-nous nous tenir sur nos jambes. Pourtant il nous était défendu de nous coucher sous peine de sévère punition, car l’exercice est nécessaire à cette maladie ; mais comment pouvoir nous tenir debout lorsque le vaisseau était soulevé par les flots et couché sur un côté ou sur l’autre ?

Nous rencontrâmes un Brick Anglais appelé Queen Victoria sur lequel notre pilote embarqua pour remonter à Québec. Le vent continua à souffler avec la même impétuosité jusqu’au neuf Octobre : durant ce temps nous fûmes tous bien malades. Le vent commença donc à diminuer et nous dirigeâmes notre route Sud-Est. Nous étions alors sous les 55° 15′ latitude nord. Nous vîmes en ce jour pour la première fois beaucoup de poissons volants s’envoler d’auprès du