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maintenant, après la nature, la raison qui fait valoir ses droits. La conséquence en est facile à prévoir : la certitude infaillible de l’Église étant d’abord ébranlée par le doute, puis, pour l’incrédule s’entend, renversée par la raison, on ne reconnaîtra plus à l’Église le droit de persécuter au nom d’une religion si peu certaine et, de toutes parts, s’élèveront des protestations indignées contre son intolérance, ou, comme on l’appellera, contre son odieux fanatisme.

Telle est la déduction logique des trois grands principes qui doivent dominer tout le dix-huitième siècle : l’histoire de la libre pensée, dans ses grandes lignes, confirme notre déduction : c’est d’abord, nous le montrerons tout à l’heure avec plus de détails, la nature qui est réhabilitée au quinzième siècle avec la Renaissance italienne ; puis, comme transition à la seconde période, le doute s’insinue au seizième siècle avec Montaigne et circule sournoisement à travers tout le dix-septième, colporté sous le manteau par ceux qu’on appelle les Libertins et les Pyrrhoniens. La raison prend ensuite la parole et, pour la première fois depuis l’antiquité, parle haut et ferme avec Descartes, l’ennemi le plus terrible peut-être de l’Église, parce qu’au fond il oppose à une autorité une autorité contraire et irréfutable.

Enfin le doute et la raison critique, réunis en un même homme, aboutissent à ce troisième progrès de la pensée humaine : Bayle, à la fois sceptique et raisonneur, proclame la tolérance. Et maintenant les Philosophes peuvent venir : leurs principales idées ont été semées peu à peu dans le monde : ils n’auront plus qu’à les développer et à leur trouver des formules agressives et retentissantes. Nous allons essayer d’exposer, en des résumés aussi courts et aussi précis que possible, ce lent acheminement de la pensée humaine vers la philosophie et la raison triomphantes du dix-huitième siècle ; et nous montrerons, chemin faisant, à quels siècles et à quels penseurs les Philosophes sont redevables, non certes de toutes leurs théories, mais des vérités capitales qui ont préparé et rendu possible l’Encyclopédie.