Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/124

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car il serait aussi ridicule que vain de chercher quelles critiques en pourrait faire un savant de nos jours. C’est surtout des dictionnaires scientifiques qu’on peut dire, suivant un mot de Bacon, que le dernier venu ressemble à ce serpent de Moïse qui dévorait tous les serpents des magiciens de Pharaon. Pour borner donc nos critiques aux seules choses que le progrès scientifique n’atteint pas, et que nous sommes, par conséquent, à peu près sûr de juger comme auraient pu le faire des lecteurs impartiaux du dix-huitième siècle, nous nous demanderons, par exemple, si l’Encyclopédie est bien ou mal composée et quelle était, pour le temps où ils parurent, la valeur des articles les plus importants ou les plus curieux. À ces questions et à quelques autres semblables, nous essaierons de faire des réponses aussi courtes, mais en même temps aussi précises, c’est-à-dire aussi appuyées de preuves, que possible. Peut-être le lecteur pensera-t-il qu’il vaut la peine d’examiner d’un peu près un ouvrage dont on parle si souvent et qu’on connaît si peu.

Considérée d’abord dans son ensemble, l’Encyclopédie est un ouvrage très mal composé. La première règle d’un bon dictionnaire n’est-elle pas de proportionner l’étendue des articles à l’importance des sujets traités ? Or, sans exiger en pareille matière une rigueur mathématique et sans demander à un Directeur qu’il mesure au cordeau tous les articles qui lui sont fournis, on conviendra que c’est prendre peut-être avec le public de trop grandes libertés que de consacrer, par exemple, six lignes aux Alpes, et, tout à côté, un article très long à Armand, qui n’est rien de plus qu’une bouillie pour rendre l’appétit à un cheval malade. On est étonné, tout de même, de ne trouver sur Athènes qu’une demi-colonne, alors que les auteurs ont pris la peine, dans la page précédente, de nous donner très en détail une recette pour apprêter les artichauts à la poivrade, lesquels, paraît-il, « font trouver le vin bon ». L’article a pour auteur le gourmand Diderot. Quand on rencontre ailleurs soixante-cinq colonnes sur l’évolution des armées et une longue dis-