Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/126

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lit le blanc et le noir sur la même matière, dans la même page, par deux plumes différentes. » Que sera-ce donc quand, presque à la même page, en tout cas très près l’un de l’autre, le blanc et le noir sont dus à la même plume ? Le célibat, par exemple, est très fortement combattu, à l’article de ce nom, par Diderot, et, toujours par ce même Diderot, hautement loué à l’article Christianisme. Mais nous avons affaire ici à une de ces contradictions voulues que nous aurons à apprécier plus tard quand nous parlerons du jeu double qu’ont joué les philosophes dans le Dictionnaire. À ne les juger ici que comme savants, nous pouvons dire que leur œuvre, considérée dans son ensemble, est affreusement incohérente, et que, par endroits, elle ressemble plus à un entassement chaotique qu’à cet inventaire raisonné des sciences qu’on nous avait promis. Image trop fidèle du principal Encyclopédiste, qui changeait d’humeur et même d’opinion d’une heure à l’autre, l’Encyclopédie change trop souvent d’avis d’un article à l’autre. Aussi Diderot convenait-il lui-même qu’on pouvait assez bien la comparer au monstre hétéroclite dont parle Horace dans son Art poétique. On pourrait même pousser jusqu’au bout la comparaison ; car si l’on songe à la médiocrité des derniers volumes, on peut bien dire que l’Encyclopédie, elle aussi, finit en queue de poisson.

Que si, laissant de côté la composition de l’œuvre dans son ensemble, nous examinons la valeur intrinsèque des articles, ce qui a lieu de nous surprendre tout d’abord ce sont les erreurs, nous disons : les erreurs singulières des auteurs du Dictionnaire. Il ne s’agit pas, en effet, de montrer que l’Encyclopédie s’est trompée ici ou là : on n’est pas infaillible en dix-huit volumes in-folio[1]. Bayle, qui s’y connaissait, disait qu’on trouverait plutôt un phénix qu’un gros dictionnaire sans fautes. Il est pourtant des fautes qui, trop libéralement semées en certaines matières, per-

  1. Nous espérons que, pour avoir remarqué des erreurs dans cet ouvrage immense, on ne prétendra point l’avoir jugé. » (D’Alembert, Encyclopédie, III, Avertissement.)