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Encyclopédiste n’est-il pas avant tout un « précepteur du peuple ? » Comme les lecteurs auxquels ils s’adressent, les auteurs du Dictionnaire sont « moins curieux de savoir et de citations que de philosophie[1]. »

En somme, ils tiennent moins à faire œuvre de savants que de « penseurs ». Voyons donc, puisque c’est décider par là s’ils ont, comme ils s’en vantent, bien mérité de la postérité, voyons quelles pensées neuves et fécondes ils ont exprimées dans l’Encyclopédie, et, après avoir parlé de leur science, essayons d’apprécier leur philosophie. La transition est, d’ailleurs, on ne peut plus naturelle ici, car les sciences, au dix-huitième siècle, sont presque toute la philosophie. Que fait, au fond, le philosophe ? Il observe et explique la Nature sous toutes ses formes : nature physique, nature humaine, et, enfin, morale et religion naturelles ou prétendues telles. Le philosophe, dit Voltaire, « a la connaissance de la nature, l’esprit de doute sur les fables anciennes (parce qu’elles choquent le bon sens naturel) et la saine métaphysique dégagée des impertinences de l’école » (c’est à-dire la physique)[2]. « En un mot, dit un ennemi des Encyclopédistes, qui résume très bien leur philosophie, les Cacouacs (Encyclopédistes) étudient la nature en tout[3]. »

Maintenant, les interprètes par excellence de la nature étant, pour l’Encyclopédie, Bacon et Locke, c’est-à-dire les philosophes de l’expérience, l’Encyclopédie va déduire, et très logiquement, quelques-unes des plus importantes conséquences de la philosophie expérimentale.

En premier lieu, si, comme le veut Locke, toutes les idées viennent des sens, il importe d’étudier les sens avant tout, et, en général, le corps humain : la physiologie tiendra donc une grande place dans le Dictionnaire, et son fondateur écrira, on le sait, des Éléments de physiologie.

Mais les sens, comme l’esprit lui-même, disons, d’un

  1. Grimm, II, 300.
  2. Voltaire, Beuchot, XXI, 247.
  3. Moreau : Mémoire sur les Cacouacs, p. 14.