Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

suivre, et de la chair, qui est belle à contempler ; et c’est enfin, et pour toutes ces raisons, la joie de vivre, non en espérance et au-delà de la tombe, mais de vivre et de jouir, par tout son esprit et par tous ses sens, de tout ce qui donne du prix à la vie d’ici-bas[1].

La Renaissance italienne nous a laissé, pour ainsi dire, deux héritages bien distincts : l’un, tout littéraire et qui nous est venu de ce qu’on pourrait appeler les esprits modérés, la droite de la Renaissance ; l’autre, surtout philosophique, que nous devons plutôt aux esprits extrêmes, à la gauche de la Renaissance. Il y eut, en effet, et à Florence même, d’une part, des littérateurs, des savants et des artistes qui, sur les traces de Dante et de Pétrarque, épris uniquement des arts et des lettres anciennes, ne se décidèrent pas à sacrifier la tradition chrétienne à la culture antique et c’est d’eux que nous vint, au dix-septième siècle, par Ronsard et la pléiade, le culte de l’antiquité et, à sa suite, une littérature classique, à la fois païenne de goût et chrétienne de cœur. Mais il y eut, d’autre part, des savants et des philosophes qui, plus audacieux, rompirent, soit délibérément, soit par les conséquences mêmes de leurs travaux, avec les doctrines orthodoxes de l’Église, et c’est là l’œuvre d’affranchissement que poursuivront les philosophes du dix-huitième siècle. « C’est de l’Italie, dira d’Alembert, dans son Discours préliminaire, que nous avons reçu les sciences qui depuis ont fructifié si abondamment dans toute l’Europe. » Or, les sciences, par leurs découvertes, ruinaient, dès cette époque, l’autorité des récits bibliques : déjà le système de Copernic, où la terre n’était plus le centre du monde, avait contredit l’histoire de la création et amoindri le drame mystérieux de l’incarna-

  1. La philosophie de la Renaissance est donc, comme le sera la philosophie du dix-huitième siècle, la négation de l’esprit chrétien, si, comme l’a dit Pascal, « la foi chrétienne, d’une part, ne va qu’à établir la corruption de la nature et la rédemption de Jésus-Christ et si, d’autre part, dans cette vie, il n’y a de bien qu’en l’espérance d’une autre vie. »