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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/17

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tion ; quarante ans plus tard, un Italien, Giordano Bruno, soutenait, non-seulement que la terre n’est qu’une des planètes qui gravitent autour du soleil, mais que le soleil lui-même n’est qu’un des astres qui gravitent dans l’espace ; le centre de l’univers n’était plus nulle part, puisque l’univers est infini. En outre, par leur méthode toute rationnelle, c’est-à-dire inspirée du libre esprit de l’antiquité, ces mêmes sciences inauguraient une manière de penser toute contraire à la discipline scolastique et au dogmatisme chrétien. C’est ce qu’avait encore bien vu d’Alembert quand dans ce même Discours préliminaire, faisant commencer à la Renaissance son tableau historique des sciences, il appelait cette époque « une régénération des idées. »

Ainsi, aimer l’antiquité, c’était, pour les savants, aimer la nature et l’étudier pour elle-même, sans se soucier de la mettre d’accord avec les récits de la Genèse ; et, de même, aimer l’antiquité, c’était, pour les philosophes, revenir au naturalisme antique, c’était considérer la nature, non plus comme une ennemie qui éloignait l’homme de Dieu, mais bien comme une amie qui vivait de la même vie que l’homme et qui, tout aussi bien que l’homme, était pénétrée de l’esprit divin. Telle fut l’inspiration commune de doctrines philosophiques, professées d’ailleurs avec plus ou moins de prudente obscurité, par un Bruno, un Vanini, un Campanella (si souvent cités et prônés par Voltaire), et par tant d’autres libres esprits qui renouvelèrent, bien avant Diderot, le naturalisme antique diamétralement opposé au Dieu créateur et providentiel de l’Évangile.

Après avoir inauguré, ou plutôt restauré, suivant l’esprit de l’antiquité, à la fois la science et la philosophie de la nature, il ne restait plus aux hommes de la Renaissance qu’à faire passer leur naturalisme dans les mœurs et qu’à pratiquer la maxime antique : Vivere secundum naturam. C’est justement ce que fit, non sans un certain cynisme, ce qu’on pourrait appeler la gauche extrême de la Renaissance : entendez, par là, des novateurs intrépides qui, au nom même de la nature qu’ils prenaient pour guide, jetaient