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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/162

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absurde par son inutilité[1]. La sévérité des supplices, dira l’Encyclopédie, n’est pas le moyen le plus efficace pour arrêter le cours des crimes. Et, nourris de ces idées, les auteurs des Cahiers écriront : « La cruauté des lois et des peines ne rendit jamais les hommes meilleurs ; elle les habitue à bannir la pitié de leurs cœurs, elle les rend plus méchants[2]. » Tout cela, Montesquieu l’avait déjà dit et démontré[3] ; mais ce qui appartient en propre aux Encyclopédistes, c’est, d’une part, les développements heureux qu’ils ont donnés aux indications parfois un peu courtes et sèches de l’Esprit des Lois ; et c’est, d’autre part, l’accent personnel et cette émotion qui est souvent absente ou, si l’on veut, trop contenue et surveillée chez Montesquieu. « Faire souffrir du mal à quelqu’un uniquement parce qu’il en a fait est une pure cruauté condamnée par la raison et l’humanité. » Dans le même article, sur le crime, le doux et honnête Jaucourt plaide pour la modération dans les peines « en considération, dit-il, de la fragilité de notre nature » ; le mot n’est-il pas d’un connaisseur, et, nonobstant, d’un ami de l’humanité ?

Ajoutons, à ce propos, que les Encyclopédistes s’élèvent, non-seulement contre les peines trop cruelles, mais contre les guerres qu’ils voudraient moins nombreuses et moins inhumaines : il ne faut faire la guerre, disent-ils, qu’en vue d’une paix durable et seulement quand il y a nécessité absolue de prendre les armes, et, même alors, tout n’est pas permis au soldat : « les lois civiles, dit-on, doivent se taire parmi le bruit des armes, mais non pas les lois éternelles de l’humanité ». Ailleurs, après avoir énuméré les maximes qu’autorise le droit de guerre, l’Encyclopédie ajoute : « La loi de nature met nécessairement des bornes à ce droit ; elle veut que l’on considère si tels actes d’hostilité contre un ennemi sont dignes de l’humanité ou même de la générosité. » Ce dernier mot, nous le trouverons sous la plume

  1. D’Holbach : Syst. de la Nat., I, 249.
  2. Gien : Noblesse. Lois criminelles.
  3. Esprit des Lois. liv. VI, ch. xii.