Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/18

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gaiment par-dessus bord tout le bagage moral et religieux, du moyen âge. Dans un curieux traité de Lorenzo Valla, De voluptate ac de vero bono, écrit vers 1430, nous voyons un partisan de ces nouveautés, Antonio Boccadelli, l’auteur, encore vivant, d’un poème licencieux (Hermaphroditus), entrer en lutte, comme partisan d’Épicure, contre le stoïcisme du temps ; il faut entendre par là : contre le monachisme. « Vous prétendez, dit-il à ses adversaires, que la nature est cruelle et l’homme mauvais, et que le commencement et la fin de toute sagesse, c’est la résignation et l’ascétisme. Nous croyons, nous, disciples d’Épicure, que tout ce que la nature a créé est bon et précieux, que l’homme doit se faire son disciple et suivre l’évangile qu’elle lui dicte elle-même et qui est l’évangile du plaisir. La morale n’a pas été promulguée par Dieu, mais par les hommes en vue de l’utilité et de la conservation sociales. Les sens, tous les sens doivent être développés parce qu’ils sont la source de toute jouissance. Le célibat est réprouvé par la nature et l’on aurait dû chasser aux extrémités de la terre celui qui le premier a imaginé les couvents de nonnes. »

Légitimes ou non, toutes ces hardies tentatives d’affranchissement dans tous les ordres de l’activité humaine devaient laisser après elles un souvenir ineffaçable et comme une tradition d’indépendance et de libre recherche que recueilleront, on le verra, les penseurs à venir. Sans prétendre embrasser ou juger l’œuvre de la Renaissance, ce qui n’est pas notre sujet, nous pouvons peut-être en résumer l’esprit au point de vue qui nous occupe et marquer assez nettement sa place dans cette rapide esquisse de la libre pensée : ce n’est plus à la tradition, mais à la grande institutrice des anciens, à la nature, que les Italiens du quinzième siècle avaient demandé des règles de penser et de vivre ; rompant à la fois avec la fausse science, la scolastique et la morale religieuse, c’est-à-dire avec le triple enseignement de l’Église, ils avaient observé la nature en savants, l’avaient aimée et presque divinisée en tant que phi-