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vengeance divine et qui jouissent en paix du ciel irrité, seront obligés de boire à longs traits le calice que Dieu leur a préparé dans sa fureur[1]. » Ailleurs, (art. Spinoza), Diderot se demande s’il ne serait pas possible qu’il y eût, en enfer, « des esprits capables de laisser leurs ennemis dans un cachot éternellement. » Pensait-il alors à ses ennemis Fréron ou Palissot ?

Une dernière apologie, mais la plus inattendue à coup sûr, sous la plume de Diderot, c’est celle de l’intolérance : « L’intolérance de la religion chrétienne vient de sa perfection, comme la tolérance du paganisme avait sa source dans son imperfection. » Ne lisons-nous pas, du reste, (à l’article Saintes-Écritures), que les protestants sont attachés à leur opinion plus par entêtement que par conviction ?

Comment Diderot a-t-il pu écrire ou laissé écrire de telles choses et pourquoi ne s’est-il pas écrié vingt fois : périsse l’Encyclopédie, s’il faut, pour l’écrire, mentir à ce point ! Quand donc, en effet, le mensonge a-t-il servi sérieusement à faire triompher la vérité ou l’hypocrisie à fonder la vraie liberté ? « La vérité, ne cesse de répéter d’Holbach, n’est jamais dangereuse ; c’est toujours le mensonge qui nuit aux hommes. » Et quelque part même il rappelle ce beau mot de Grotius : « Ce n’est que par la vérité qu’il faut combattre pour la vérité. » Les Encyclopédistes ne comprirent pas que, par ce grand étalage d’une fausse piété, ils risquaient d’égarer et d’abaisser la conscience publique qu’ils voulaient pourtant relever et ennoblir par leurs fréquents appels, à la tolérance et à la raison. De tels exemples de dissimulation qui, sans doute, ne trompaient personne, mais qui n’en étaient pas moins funestes, étant prodigués par les plus célèbres écrivains du siècle, gâtaient en partie et compromettaient d’avance le succès des meilleurs passages de l’Encyclopédie. Est-il vrai, d’ailleurs, comme on l’a souvent répété, que, pour échapper à la censure, les Encyclopédistes fussent obligés de faire tant d’hypocrites

  1. Encyclop. : art. Providence.