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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/237

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cyclopédie) sans donner aucun sujet de plainte, il pourra prétendre aux grâces du Roi. La forme de cette promesse pourrait être une lettre que m’écrirait M. le contrôleur général après avoir pris les ordres du Roi. » Il connaissait les philosophes et le vrai moyen de rendre leurs écrits plus inoffensifs : étant donné qu’il était absolument impossible d’arrêter le flot montant des revendications sociales, ne valait-il pas mieux essayer de le diriger et de l’endiguer, plutôt que de le combattre par des demi-mesures qui n’aboutissaient jamais qu’à compromettre et à discréditer le pouvoir[1] ?

Un roi protecteur des philosophes, c’était, nous l’avons vu, ce que les philosophes rêvaient, eux aussi, et qui sait si le protecteur n’eût pas été, par ses protégés, fortifié et grandi ! À nous en tenir en effet à la librairie, nous voyons que Malesherbes a sans cesse à défendre les prérogatives royales contre les prétentions à la fois du parlement et du clergé : le parlement ne prétend-il pas s’arroger le droit d’approuver les ouvrages, si bien que dans son arrêt rendu contre l’Encyclopédie, en 1758, Malesherbes relève lui-même « un terme bien remarquable : aux défenses d’imprimer, vendre ou débiter, on a ajouté : ni d’approuver, ce qui ne se trouve dans aucun ancien arrêt et ce qui donne précisément au Parlement l’inspection sur les censeurs, c’est-à-dire l’administration[2] ». Et si le parlement prétend « approuver, » le clergé aspire, de son côté, au droit d’« inspecter » les livres : « Il serait juste et sage, dit-il dans son Assemblée de 1765, que la librairie fût soumise à notre inspection et que nous fussions appelés à une administration dont nous avons un si grand intérêt à empêcher les abus. » À propos de l’article constitution,

  1. Malesherbes dit lui-même, à propos du tome II de l’Encyclopédie : « Le gouvernement contrariait ce qu’il aurait dû encourager ; mais il cédait fréquemment à la légère opposition et tolérait par faiblesse ce qu’il aurait dû autoriser par sagacité ; chaque succès que remportait ainsi l’opinion avait l’air, pour lui, d’une défaite, et donnait la mesure de ses forces. » (Mém. sur la Législation et la Liberté de la presse).
  2. Malesherbes : Mém. sur la Librairie.