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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/261

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de la religion même[1] ! » Et l’auteur inconnu d’un ouvrage, paru en 1760 et intitulé « Tableau du siècle », pouvait dire, sans trahir la vérité : « Il est trois moyens de parvenir aux honneurs de l’Église : les femmes, les jésuites et la vertu. La voie des femmes est la plus courte ; celle des jésuites, la plus sûre ; celle de la vertu, la plus rare. » Telles étaient, sauf, bien entendu, de très honorables exceptions, les mœurs et la foi du clergé, et plus particulièrement du haut clergé, dans la seconde moitié du dix-huitième siècle.

Ainsi énervée, l’Église, nous l’avons montré, s’était encore affaiblie par ses dissensions intestines, et Voltaire avait raison de penser que les querelles des Jansénistes et des Molinistes avaient fait plus de tort à la religion chrétienne que n’en auraient fait quatre empereurs de suite comme Justinien. Nous avons rappelé aussi comment ces querelles avaient fait à merveille le jeu des philosophes : le loup (janséniste) avait plaidé contre le renard (jésuite) et, comme dans la fable, jamais « fait plus embrouillé » n’avait été porté devant le tribunal de l’opinion publique que ces discussions subtiles pour et contre la bulle Unigenitus, et maintenant le singe, ce sera Voltaire lui-même, si l’on veut, pouvait leur dire en ricanant, selon sa manière : « Tous deux vous payez l’amende ! »

Et enfin, dernière et très grave cause d’infériorité : dans un pays où l’on fait, plus qu’en aucun lieu du monde, cas du talent et de l’art de bien dire, dans un pays où l’on n’aime pas entendre mal parler, même de Dieu, l’Église n’avait à opposer à tous ses adversaires ni un grand orateur ni un grand écrivain. Puisque nous avons comparé l’Encyclopédie au légendaire cheval de Troie, nous pouvons ajouter que, dans l’armée tout entière des apologistes chrétiens, il n’y a pas un seul combattant dont on puisse dire que si Troie, « la cité sainte » avait pu être sauvée, elle l’aurait été par celui-là. Lorsqu’au siècle passé, en Angleterre, les Déistes s’étaient élevés contre l’église établie,

  1. Nonnotte, ibid.