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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/263

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hommes et aux choses du temps[1]. Mais ces attaques sont le plus souvent indirectes, enveloppées dans des généralités et des déclamations qui les rendent, non certes inoffensives, mais enfin moins redoutables à des ennemis qui ne sont pas franchement et personnellement pris à partie ; et ce n’est qu’en 1784 que, grâce aux progrès de l’opinion publique, pourront se produire à la scène (et l’on sait encore après quelle lutte soutenue par le plus roué des auteurs), les attaques directes et les satires véhémentes et cinglantes de Figaro.

Les orateurs ecclésiastiques n’attendirent pas jusqu’à cette date pour attaquer et flétrir en toute liberté, dans leurs chaires, les hérésies des philosophes et pour en dénoncer au pouvoir les fatales conséquences. Ainsi, en 1760, l’abbé Caveyrac et l’abbé Labat, puis le père Neuville à Saint-Augustin, prophétisaient avec feu la révolution, et le père Beauregard, à Notre-Dame, montrait les philosophes « la hache et le marteau dans les mains pour renverser le trône aussi bien que l’autel[2] ».

Si nous ne possédons pas toutes les ardentes philippiques qui furent lancées alors contre la philosophie, il nous est facile (et c’est pourquoi il n’y a pas lieu de les regretter), d’en imaginer les idées et le style, lesquels ne faisaient évidemment que reproduire le style et les idées des ouvrages ecclésiastiques dont nous parlerons tout à l’heure. Quant à l’efficacité de ces sermons, et c’est la seule chose sans doute qui importait à leurs auteurs, il ne semble pas qu’elle s’étendît à un très grand public, ni très fidèle, si on en juge (ce qui n’est, il est vrai, qu’un indice) par les opinions qu’il était de bon goût d’avoir et même d’afficher à cette époque et aussi par certains témoignages contemporains sur le peu d’empressement des gens du dix-huitième siècle à fréquenter les églises.

  1. Voir, sur ce point, l’intéressante thèse de M. Fontaine : Le théâtre et la philosophie au 18e siècle. 1870.
  2. Voir aussi les Sermons du P. Chapelain, 1768, IV, 285.