Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/284

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Dans un long commentaire il (Voltaire) prouve longuement
Que Corneille, parfois, pourrait plaire un moment.
… Si l’on en croit Mercier, Racine a de l’esprit ;
Mais Perrault, plus profond, (Diderot nous l’apprit),
Perrault, tout plat qu’il est, pétille de génie :
Il eût pu travailler à l’Encyclopédie !


Tant de goût devait naturellement mener nos philosophes tout droit à l’Académie dont les portes, en effet, ne s’ouvrent que pour eux :


Eux seuls peuvent prétendre au rare privilège
D’aller au Louvre en corps commenter l’alphabet.


Ces vers sont de 1774 et à cette date, en effet, la philosophie trônait à l’Académie, dont l’oracle s’appelait alors d’Alembert. Mais c’est exactement le 10 mars 1760 et grâce à la maladresse immortelle (c’est Voltaire qui l’a, hélas ! immortalisée) de Lefranc, natif de Pompignan, que les philosophes firent définitivement la conquête de l’Académie. L’aventure de Lefranc est connue ; nous pouvons donc nous contenter de la résumer[1]. Après avoir adressé vaillamment au Roi une remontrance sur les malheurs de ses sujets, « véritables forçats », après avoir traduit la Prière universelle, et déiste, de Pope, ce qui lui avait valu les compliments de Voltaire, Pompignan trouva tout à coup son chemin de Damas, qu’il crut être, en même temps, le chemin de la fortune ; et, se souvenant à temps qu’il était le frère du pieux et bouillant adversaire de l’Encyclopédie, l’évêque du Puy, il se fit présenter par lui au dauphin et à la reine ; et les deux frères, l’un poussant l’autre, entreprirent de concert, tels Moïse et Aaron, « d’opérer de grands miracles en Israël[2] » ! Pour mieux remplir leurs hautes destinées, ils songèrent d’abord à se faire nommer : l’un, précepteur des

  1. Voir surtout Brunel (Les philosophes et l’Académie française au XVIIIe siècle, p. 73), qui a conté en détail cette amusante histoire et a cité toutes les références.
  2. Discours de Dupré de Saint-Maur en réponse au discours académique de Lefranc.