Aller au contenu

Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

distes, Palissot n’eut rien de plus pressé que d’ameuter contre lui tout le parti et, dans les Petites lettres sur les grands Philosophes (1756), il reprocha à ceux-ci, ce qui était vrai, « de se distribuer les uns aux autres des brevets de célébrité », et, ce qui l’était moins, de n’avoir fait que « copier servilement » leurs devanciers. Ainsi, il se flattait d’avoir déjà lu, dans Bacon, que, sans doute, il ne connaissait guère, « l’Interprétation de la nature » de Diderot, que probablement il comprenait peu. Mais ce n’était là que le prélude de la grande bataille qu’il allait livrer contre l’Encyclopédie.


Le 2 mai 1760, l’alarme était au camp des Encyclopédistes : on allait donner, au Théâtre-Français, une comédie écrite expressément contre eux, et dont le titre seul était un manifeste : les Philosophes. Ce qui alarmait justement ces derniers, c’était la nouvelle, répandue par leurs ennemies, et qui d’ailleurs se trouva vraie, que la comédie de Palissot était jouée par ordre : Mme de Robecq, qui avait eu jadis des bontés pour le duc de Choiseul et qui, d’autre part, se jugeait insultée par Diderot, dans la préface du Fils naturel, avait obtenu pour l’auteur des Philosophes la protection du puissant duc et pair, et le dauphin lui-même s’intéressait vivement à une pièce qui allait châtier les ennemis de Dieu et du roi[1]. Les Philosophes obtinrent, c’est ce que voulait l’auteur, un immense succès de scandale : le Théâtre-Français n’avait jamais fait de plus fortes recettes ; la loge de Palissot, pendant trois représentations données sans intervalle, fut envahie par des évêques, et même l’abbé de la Tour-du-Pin, dans un sermon prêché à Saint-Paul, félicita hautement le poète d’avoir livré les athées « au ridicule qu’ils méritaient ». Enfin la princesse de Robecq, pour savourer sa vengeance, s’était traînée, mourante, à la Comédie, où elle avait paru donnant la main à l’heureux auteur. Les Encyclopédistes étaient atterrés : « La lumière, écrit

  1. Voir Palissot ; Œuvres complètes, Liège, 1779, VII, 291.