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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/32

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l’Église, tout en combattant les superstitions, maintenait et consacrait la superstition capitale, mère de toutes les autres : la croyance au diable. Or, les Libertins ruinèrent singulièrement le pouvoir de celui-ci, car ils croyaient encore moins au diable qu’à Dieu[1].

Voyons, maintenant, comment ces Libertins ont acheminé et préparé les esprits à Voltaire. Ce qui les caractérise, avant tout, c’est qu’ils osent penser par eux-mêmes sur les choses de la religion. C’est là, aux yeux de tous les docteurs qui les combattent, leur fondamentale et criminelle hérésie : « Le propre de l’hérésie (dit Bossuet), c’est-à-dire de celui qui a une opinion particulière, est de s’attacher à ses propres pensées. » Les Libertins sont des « esprits particuliers », des « curieux », ou encore des « écartés ». Ils ont cela de commun avec Montaigne, qui « n’épousait que lui », et avec les Réformés, qui ont substitué leur jugement individuel à la doctrine universelle de l’Église. Seulement, à la différence des Réformés, ce n’est pas une foi personnelle, mais un scepticisme indépendant qu’ils opposent à l’orthodoxie régnante ; et, à la différence de Montaigne, ce n’est pas par des mots à double sens ou au sens ambigu qu’ils attaquent la religion, mais directement, en nommant les choses par leur nom, en disant « Jésus-Christ » là où Montaigne avait dit « Pythagoras », tandis qu’il pensait peut-être à quelque autre ; tout cela, bien entendu, entre eux et portes closes, car en public, comme avait fait Montaigne dans son livre, ils protestent bien haut de leur entière soumission à la sacro-

    ne veulent pas se persuader que de nouveaux mariés puissent, par l’artifice et la malice du démon, avoir l’aiguillette nouée et être empêchés de se rendre le devoir conjugal. Or, ce maléfice n’est pas un maléfice fantastique et imaginaire, mais un maléfice réel et effectif, puisque l’Église, qui est conduite par le Saint-Esprit et qui, par conséquent, ne peut errer, reconnaît qu’il se fait par l’opération du démon, et qu’elle propose aux fidèles des remèdes pour le prévenir ou pour s’en délivrer. » Traité des superstitions, par Thiers, docteur en théologie, livre X, chap. vii.

  1. « C’est une opinion générale parmi les chrétiens, dit Bayle, que s’il y a des diables, il y a un Dieu, et que ceux qui ne croient point à Dieu ne croient pas qu’il y ait des diables. » Dictionnaire, art. Ruggeri).