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à nous-même ce plaisir, chemin faisant, sur les Chinois de Voltaire et de l’Encyclopédie, il reste à chercher ce qu’ont pu apprendre, aux hommes du dix-huitième siècle, les recherches sérieuses faites sur les coutumes des nations étrangères et, en particulier, des peuples sauvages. Les grands voyageurs du siècle, Bougainville, Cook et La Pérouse, permettaient, par leurs relations précises, à des savants tels que Goguet d’exposer déjà avec certains développements la doctrine des trois âges de la pierre, du cuivre et du fer, et cette doctrine, son auteur la basait sur les découvertes archéologiques récentes et sur « l’ethnographie comparée[1] ». Un autre ouvrage, quelques années après celui de Goguet, une Description de toutes les nations de l’empire de Russie (1770), donnait une peinture fidèle des conditions d’existence des Finnois, qu’on a pu assimiler à nos premiers ancêtres de l’âge du renne, et cet ouvrage était « une première base à l’ethnographie préhistorique[2] ». Déjà, dès 1723, dans un mémoire à l’Académie des sciences, de Jussieu, comparant les pierres qu’on disait produites par le tonnerre (pierres de foudre) avec d’autres pierres trouvées dans des îles d’Amérique et au Canada, affirmait que les unes et les autres avaient été simplement taillées par des sauvages ; puis, malgré la Genèse qui voulait que Tubalcaïn eût forgé, avant le déluge, des instruments d’airain et de fer, il soutenait que les peuples de France et d’Allemagne, avant la découverte du fer, étaient semblables à ces sauvages primitifs, car on retrouvait des instruments pareils, en silex, dans le sol des deux pays : et « ainsi l’âge de pierre fut dévoilé et prit place dans l’histoire[3] ».

  1. L’ouvrage de Goguet (De l’origine des lois, des arts, des sciences et de leurs progrès chez les anciens peuples), parut en 1758. Voir, sur ces travaux, Hamy : Précis de paléontologie humaine, Baillière, 1871, p. 75.
  2. Cartailhac : La France préhistorique, Baillière, p. 61. Vers cette même époque, Buffon écrivait : « Lisez Tacite sur les mœurs des Germains : c’est le tableau de celles des Hurons ou plutôt des habitudes de l’espèce humaine entière sortant de l’état de nature. » (Septième époque de la Nature).
  3. Cartailhac, Ibid., p. 12.