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nous avons indiquée plus haut : « Presque tous ceux qui vivent dans l’irréligion ne font que douter ; ils ne parviennent pas à la certitude. » Alors, en effet, la religion étant, ou prétendant être seule en possession de la certitude, renoncer à la religion, c’était se condamner, comme Montaigne avait déjà dit des athées de son temps, à « ces impressions superficielles, lesquelles, nées de la débauche d’un esprit démanché, vont nageant témérairement et incertainement en la fantaisie. »

Or cette certitude, qui manquait jusque-là aux libertins dès qu’ils la cherchaient en dehors de la foi, quelqu’un alors vient la leur donner : c’est Descartes qui, parti, comme eux, du doute, a, sans le secours de la révélation, trouvé une vérité aussi « inébranlable que le roc ». Ainsi se vérifia le mot de Diderot : « Le scepticisme est le premier pas vers la vérité. » Dans le développement de l’esprit humain, en effet, le scepticisme, même le scepticisme ironique des libertins, n’est-il pas supérieur à la foi aveugle et intolérante qui oppose à la libre recherche une borne sacrée et, comme telle, infranchissable ? Moins radicalement sceptiques, en un sens, que certains dévots, les libertins pensaient qu’en toute chose le dernier mot doit appartenir à la raison, et ils attendaient, pour admettre une vérité, que celle-ci leur parût claire et raisonnable ; « ce sont gens qui ne veulent recevoir, dit Arnauld, que ce qui se peut connaître par la lumière de la raison[1] ». Cette foi implicite en la raison, que recouvrait leur scepticisme, elle va être dégagée et proclamée par Descartes.

IV


Tous les « libertins sans principes « ressemblent à ces enfants précoces qui, affranchis trop tôt de la surveillance maternelle, ne peuvent encore connaître et pratiquer l’indépendance que sous la forme de l’indiscipline ; ainsi, à cette

  1. Dixième lettre à M. de Vaucel.