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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/84

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selles, mais encore le prestige d’une vie sans tache et d’une piété reconnue : il fut pour Diderot la plus précieuse des recrues, parce qu’il était à la fois l’ouvrier le plus infatigable et le plus honnête homme de l’Encyclopédie.

Tout autre fut Marmontel : Diderot raconte, dans ses Salons, que, lorsque Voltaire lut la première tragédie de Marmontel, Denys le Tyran, il s’écria : « Il ne fera jamais rien ; il n’a pas le secret. » Il eut, à défaut d’autres, le secret de se faire, en même temps, des protecteurs à la cour et des prôneurs dans le camp encyclopédique. On le retrouve d’ailleurs partout, j’entends dans tous les bons endroits de Paris où il y avait, soit quelques bons soupers à faire, soit quelques profits à retirer pour sa réputation ou pour sa bourse : il se faufile à la fois dans l’Encyclopédie qui lui fait d’utiles amis, à la cour, où il attrape le privilège du Mercure, chez Mme Geoffrin, qui le loge gratis, on pourrait même ajouter : à la Bastille, qui le met tout à fait à la mode. Son passage à l’Encyclopédie fut à la fois brillant et plein d’à-propos : il y entra en 1753, c’est-à-dire l’année où le gouvernement lui-même engageait les auteurs à reprendre leurs travaux interrompus, et il en sortit en 1757, au moment critique où l’attentat de Damiens venait de rendre toute son influence au parti dévot, c’est-à-dire juste à temps pour échapper aux orages prévus qui fondirent sur l’Encyclopédie en 1758 et aussi pour recevoir, la même année, des mains de Mme de Pompadour, ce bienheureux brevet du Mercure qui allait lui rapporter quinze mille livres de rente. En revanche, ses articles, tous consacrés aux « Belles-Lettres », ne sont pas les moins intéressants du Dictionnaire : bien supérieurs à ceux de Mallet ou de Jaucourt sur la même matière, ils peuvent se lire encore avec profit, car Marmontel n’avait pas seulement de l’esprit de conduite, il avait encore de l’esprit, trop même, en littérature ; « il rencontre souvent, a dit très justement de lui Villemain, des idées fausses, parce qu’il cherche trop les idées neuves ; mais il présente beaucoup d’instruction et ses erreurs font penser ». On sait que ses articles de