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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/86

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parmi les grands poètes » ; puis il loue sa prose et même beaucoup mieux qu’on ne s’y serait attendu de la part de d’Alembert ; « personne n’a mieux connu l’art si rare de rendre sans effort chaque idée par le terme qui lui est propre ». Enfin, après avoir exalté l’historien, il regrette de ne pouvoir, « en parcourant ses nombreux et admirables ouvrages, payer à ce génie rare le tribut d’éloges qu’il mérite, qu’il a reçu tant de fois de ses compatriotes, des étrangers et de ses ennemis. » À coup sûr, il faut faire la part de ce qui est dit ici pour amorcer Voltaire, pour « l’encycloper » ; il n’en reste pas moins que l’avisé d’Alembert n’aurait pas loué de la sorte, en tête d’un livre dont la fortune était à faire dans le grand public, un écrivain qui n’aurait pas joui déjà d’une très grande et très spéciale faveur auprès de ce même public. Dès le 11 juin 1749, il était, pour Diderot, « Monsieur et cher maître » ; au moment où il entre à l’Encyclopédie, Jean-Jacques, lui envoyant son deuxième Discours, « ne croit pas certes lui faire un présent digne de lui, mais lui rendre un hommage que nous, écrivains, nous vous devons tous, comme à notre chef ». Il est donc certain que sa collaboration allait donner un très grand lustre à l’Encyclopédie ; aussi cette collaboration est-elle accueillie avec transport et annoncée avec fracas : « M. de Voltaire nous a donné pour ce volume (le Ve) les articles esprit, etc., et veut bien nous en faire espérer d’autres, promesse que nous aurons soin de lui rappeler au nom de la nation. »

Cependant les idées avaient marché très vite à Paris durant l’absence de Voltaire ; car il avait quitté la France juste au moment où la philosophie avait déclaré la guerre à l’Église. « Il s’était fait, dit très justement Lacretelle, d’accord en cela avec les témoignages contemporains, une révolution morale en son absence. » Mais cette révolution n’était pas pour effaroucher Voltaire et il n’avait pas à revenir de si loin qu’on l’a dit pour marcher du même pas que les Encyclopédistes. Ce n’est pas, certes, que l’hôte de Sans-Souci n’eût été très capable, le cas échéant, et comme