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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/89

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ce beau feu encyclopédique s’était éteint et cela pour des causes diverses qu’il est amusant de rechercher. Tout d’abord, personnel comme il était et ingénieux à faire parler de lui et de ses moindres œuvres dans le monde entier, il devait se lasser vite d’enterrer sa jolie prose dans ces énormes et coûteux in-folios où trop peu de lecteurs iraient la chercher. Nous le voyons, en effet, en 1759, conseiller à un de ses correspondants, Bertrand, « de ne pas éparpiller ses travaux dans l’Encyclopédie ». Il saura bien vite d’ailleurs dégager ses articles et leur donner toute la publicité qu’ils méritent en les rassemblant dans un petit dictionnaire portatif, bien mieux fait, pour circuler et propager son nom, que le grand et trop peu maniable Dictionnaire. Et il s’affranchira du même coup d’un fâcheux voisinage : car être le premier, ou, tout au moins, le plus séduisant des écrivains du siècle et coudoyer, dans un même ouvrage, un tas de « freluquets » et de « petits polissons » qui donnaient au public des « ragoûts sans sel » ou même, comme cet obscur Desmahis, à l’article femme, des rapsodies qu’on dirait « écrites par le laquais de Gil Blas », c’était, pour un homme de goût, un supplice qui ne se pouvait longtemps endurer.

Encore, s’il pouvait diriger les travaux, être le général en chef de tous ces « mauvais soldats », avoir la haute main, en un mot, sur toute l’entreprise et la faire tourner avant tout à la gloire de Voltaire ! C’est à quoi il s’applique, avec ce mélange de souplesse et d’entêtement qu’il sait mettre aux choses qui lui tiennent au cœur. Il envoie d’abord des conseils littéraires et il les donne, avons-nous besoin de le dire, on ne peut plus sensés. Une sage brièveté, c’est ce qu’il prêche avec raison à tous ces discoureurs et ce qu’il pratique admirablement lui-même dans ses articles : « Je ne voudrais que des définitions et des exemples. » Surtout, pas de déclamation ! C’est, et il est sincère, ce qu’il « déteste le plus au monde ». Il faut être court… et un peu salé, ajoute-t-il en auteur qui sait être de son temps.

Puis, aux règles de style, il joint des règles de conduite.