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doit pas avoir pour but de faire quelques millionnaires, mais d’amener à l’aisance, à la culture morale et intellectuelle, le plus grand nombre possible de citoyens.

La présente brochure ne comporte pas un développement historique sur l’usure. Rappelons seulement que celle-ci était condamnée comme une faute, presque un crime, par Moïse, par Jésus-Christ et, depuis, par la législation canonique positive jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

St-Augustin la condamne, il l’appelle le meurtre des pauvres, même quand elle est dans les limites permises par les lois romaines. Le concile de Tours dit que l’usure est détestable. Il faut prêter, dit-il, comme on fait l’aumône, non à son profit, mais pour le bien de l’indigent ; alors le prêt se fera selon son véritable esprit et la société n’en ira que mieux. Jean Chrysostôme, évêque de Constantinople, qui vivait dans cette société bysontine presque aussi corrompue que la nôtre par l’argent et par l’usure, reproduit l’argument, qu’Aristote tirait de la stérilité de l’argent : « Quoi de plus déraisonnable, dit-il, que de semer sans terre, sans pluie, sans charrue ; aussi, tous ceux qui s’adonnent à cette damnable agriculture n’en moissonnent que de l’ivraie. Retranchons donc ces enfantements monstrueux de l’or et de l’argent ; étouffons cette exécrable fécondité. St Paul ne dit-il pas : la piété, avec une honnête médiocrité est un grand gain. » Les papes, les Pères de l’Église, les conciles, ne cessent de tonner contre l’usure. Bossuet, dans son Traité de l’Usure, semble lui donner les derniers coups ; enfin, Montesquieu la critique à son tour quelques années seulement avant que l’influence des physiocrates, des encyclopédistes et des financiers, possesseurs de la richesse métallique, fasse assimiler