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Page:Dufour - Étude sur l’esthétique de Jules Laforgue, 1904.djvu/23

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réfraction, et les milliers d’accidents combinés de la direction de la lumière, du levant au couchant d’une journée. »

« L’œuvre qui exprime un caractère bienfaisant est supérieure à l’œuvre qui exprime un caractère malfaisant.» C’est la seconde règle critique de Taine. Elle paraît à Laforgue aussi inacceptable que la première. Même, le contraire n’en serait-il pas plus vrai ? — « La mort en elle-même, sans espoir ni contrastes philosophiques, est-elle au plus bas degré d’art ? « Laforgue notait cette objection longtemps avant que Van Lerberghe eût composé les Flaireurs et Maeterlinck l’Intruse. Ces œuvres si angoissantes, qui nous rendent la mort quasi présente et nous en font sentir l’horreur, ont, sans conteste, de la grandeur et de la beauté. Pour n’exprimer aucun caractère bienfaisant, seront-elles ravalées au plus bas de l’échelle ? Combien de poèmes peuvent être égalés à ces Curiosités déplacéesoù Laforgue crie son effroi d’être anéanti par la mort avant que de savoir ?

Mourir ! n’être plus rien ! Rentrer dans le silence !
Avoir jugé les cieux et s’en aller sans bruit !
Pour jamais ! sans savoir ! Tout est donc en démence !
Mais qui donc a tiré l’univers de la nuit ?

Et cette rêverie encore, sur la Première nuit, ou la « curiosité »  » philosophique n’a point de part et qui fait passer en nous une inéluctable et tout instinctive épouvante :