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Page:Dufour - Étude sur l’esthétique de Jules Laforgue, 1904.djvu/24

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Je songe à tous les morts enterrés d’aujourd’hui.
Et je me figure être au fond du cimetière,
Et me mets à la place en entrant dans leur bière
De ceux qui vont passer là leur première nuit.

À quel rang Taine mettrait-il ces poèmes ?

Il ne s’agit pas d’être moral, mais intéressant. — « Néron, être antisocial, vibrion, microbe monstrueux, avait raison de dire : Qualis artifex pereo ! (Laforgue pourrait citer l’exemple de Renan, qui, après Racine, s’est complu à peindre Néron, en insistant sur son cabotinage cruel.)… « Les coulisses de l’Opéra sont plus artistes que tous les phalanstères rêvés par Fourier. La morale n’a rien à voir avec l’art pur, pas plus qu’avec l’amour pur. »

Aussi l’artiste est-il curieux des civilisations décadentes. Laforgue écrit à M. Charles Ephrussi : « M. M… est un homme précieux. Il doit être avec moi le seul homme de Berlin qui adore la décadence en tout. » Aux âges de décadence, l’homme est moins typique, plus individuel ; la proportion des caractères est plus grande. — « Pour moi, humain, créature incomplète et éphémère, un impassible ravagé comme Leconte de Lisle, un corrompu nostalgique se débattant dans le fini, est plus intéressant — est plus mon frère — que Tiberge et tous les Desgenais ». Musset lui-même, dont Laforgue rappelle ici sans plaisir un personnage, disait à Manon Lescaut :

Tu m’amuses autant que Tiberge m’ennuie.

Lorsque Taine présente la décadence de l’art dans les