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Page:Dufour - Étude sur l’esthétique de Jules Laforgue, 1904.djvu/26

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s’agit de n’être pas médiocre. Il faut être un nouveau. Oui, le degré de bienfaisance est un critérium en morale, non en art, l’artiste étant un solitaire, un hypertrophié, de Shakespeare à Michel-Ange. »

Laforgue est donc loin de l’idéal proposé par Taine : l’équilibre, la santé, au physique comme au moral. Toujours le nu sculptural, l’athlète grec, le Doryphore de Polyclète ou l’Apoxyomène de Lysippe. « En résumé, dit Taine, le beau, c’est la santé ! « Le disciple de Hartmann l’arrête : « Où prenez-vous la santé ? Apprenez que l’Inconscient ne connaît pas la maladie. » À considérer l’énergie unique, révélée par la diversité phénoménale du monde, la mort non plus, pourrait-il ajouter, ne se distingue point de la vie.

Aussi Laforgue n’est-il pas plusintéressé (de quoi il se préoccupe surtout) par une statue de Praxitèle que par « le moine en bois d’Alonzo Cano ou telle statue douloureuse du xie siècle, ou telle monstrueusement hypertrophiée mosaïque byzantine de Saint-Marc, ou la Betsabé de Rembrandt, ou une danseuse déjetée par les jetés de Degas « . À cette prédilection pour ce que Taine considère comme la décadence, gardez-vous d’objecter que dans le corps sain paraît « le type naturel ». — « Où le prenez-vous, dirait Laforgue ? Vous êtes en train de voir que la créature va hardiment à être purement cérébrale, anti-naturelle, et que cela s’accommode parfaitement avec la concurrence vitale et la sélection naturelle. » D’ailleurs, pour reprendre une objection adressée déjà au principe de l’importance, cet idéal, à la rigueur applicable à la statuaire, ne tient pas assez