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Page:Dufour - Étude sur l’esthétique de Jules Laforgue, 1904.djvu/33

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selon les fins de l’Inconscient, qui les y entraîne, à rendre notre oreille plus subtile à discerner les harmoniques des sons, notre œil plus apte à distinguer les ondes colorées, de plus en plus rapides et de moins en moins longues, du rouge au violet.

C’est cette force transcendante qui « pousse Beethoven à chanter, Delacroix à chercher des tons, Baudelaire à fouiller sa langue, Hugo à être énorme, Darwin à constater la sélection naturelle, et celle qui pousse Pasteur, Berthelot à chercher, Gœthe à deviner les fleurs, Cuvier à reconstituer des fossiles : — la même qui pousse l’araignée à faire sa toile, et, si on la déchire, la faire et la refaire jusqu’à épuisement, comme l’amour, l’éréthisme mental ou de l’œil, la fureur génésique d’art. » J’ajouterai un exemple à ceux dont Laforgue corrobore son idée. N’est-ce pas cet attrait, irrésistible et mystérieux, dont Maeterlinck, traducteur des Disciples à Saïs, poétique expression du mysticisme naturaliste de Novalis, poursuit et décrit le jeu dans la Vie des abeilles Laforgue ne souscrit donc pas à la loi énoncée par Renan : l’art passe de la catégorie de l’instinct dans la catégorie de la réflexion. Instincts et réflexion coexistent. Ou plutôt, la réflexion n’est qu’une forme — la dernière revêtue — de l’instinct.

Je m’agite aussi. Mais l’Inconscient me mène ;
Or, il sait ce qu’il fait ; je n’ai rien à y voir.

Il en est de l’Art comme de l’Amour :

Allez ! Laissez passer, laissez faire ; l’Amour
Reconnaîtra les siens : il est aveugle et sourd.